Je n’aime pas assister à un spectacle d’acrobates, de trapézistes ou de funambules, tellement peur d’une chute, je reste inquiète tout le temps d’un concert ou d’une pièce de théâtre, mon trac pour l’artiste. C’est peut-être une tranquillité que ce livre m’apporte avec l’assurance d’y retrouver intacte, inépuisable et renouvelée l’admiration de la première fois, le plaisir d’une familiarité que je peux savourer sans la petite musique d’angoisse. C’est celui-là comme un constat plus que comme un choix si longtemps après le premier contact survenu par hasard, par surprise, un extrait photocopié en classe de terminale, une petite fantaisie proposée par le prof pour la dernière heure de cours avant les vacances où on s’autorise à sortir du programme, comme d’une bouffée d’air frais dans ce trimestre consacré interminablement à l’Introduction à la Psychanalyse, une petite étincelle qui a touché direct. On s’est plus quittés, on a passé l’été ensemble sous la tente le soir à la lueur de la lampe de poche, étonnement, ravissement, longueurs, langueurs, rythme, souffle, élégance, acuité, drôlerie, méchanceté, légèreté, culot… Ridiculement fanatique je l’ai défendu, offert, prêté, conseillé, intolérante à toute critique, j’ai pèleriné sur ses lieux, c’est devenu étouffant, presque aveuglant de tout lire à sa lueur. Je ne sais pas ce qui a permis d’installer une belle distance, peut-être juste les années, peut-être les autres rencontres ou l’idée de pouvoir l’ouvrir à n’importe quelle page pour reprendre le chemin (ce qui n’est pas arrivé si souvent même s’il est toujours à portée de vue, de main). Il reste cette relation apaisée d’un compagnonnage fidèle et la perspective par lui offerte qu’il restera toujours la possibilité d’écrire.
« La petite musique d’angoisse » est dans « la vraie vie » et non dans le livre qui n’oblige pas à l’empathie réelle jusqu’à en trouver un ou plusieurs qui change la donne ? Le troc contre le trac ? Et on entre dans une autre dimension de soi et des autres ? Je tâtonne là en vous lisant. Je vois que vous avez besoin d’air … ça m’intrigue et ça me plaît.
Beau cadeau que cette « perspective par lui offerte qu’il restera toujours la possibilité d’écrire. »
Merci