#été2023 #03bis | Trois plus un : soustraction

Du cinquième étage au deux de la rue s’entendait leur tapage – slip léopard ou maillot de forçat placardés sur les murs. Corps en figures de cascades balancés dans les cordes d’un ring , KO ou simulacre de mort subite. Mon premier porte un tatouage au bras, mon second une petite queue à l’arrière du crâne, mon troisième à une taille de géant et des pieds de poupée dans ses savates lacées, pour le quatrième je demande le Joker. S’il a tenu un jour une épicerie ou livré des pizzas ? S’il est mort sur le coup dans un accident de circulation ou en dévalant l’escalier.  Deux sur quatre ont fait livreurs. Le troisième aura été déménageur. Au bar des oiseaux on a pu les croiser.

Devant le cinéma de la Couarde (de « Coe » queue) on projette le dernier Moretti. Lumière orangée du soir, en sortant de l’auto il était 19H49; le vent bouscule le calicot et les petits drapeaux qui annoncent la saison. Deux salles pour des projections et des spectacles. Devant elles inspirent l’air du soir, leurs cheveux volent; les robes et les étoles de couleur : trois sur quatre. En retrait dans le T. shirt noir et le pantalon de jardin, celle du groupe qui s’assiéra au deuxième rang, presque à toucher l’écran : seule. Mais en sortant, avec les autres, elle commente la scène de l’exécution : un homme à genoux et l’autre bras tendu arme au poing : tableau d’une exécution pour un simulacre d’exécution. C’est la scène finale d’un film qui est tourné dans le film. Parce que le dernier Moretti est un film à tiroir dit la T. shirt noir. Cette scène du tournage d’une exécution est une parenthèse qui interroge la durée et l’éthique d’un plan, dira-t-elle.

C’est à Nanterre ( 96 277 habitants selon le recensement de 2019). C’est le Le 27 du mois de juin. C’est une vidéo. Une rue. Une voiture à l’arrêt. Jaune. C’est un plan de 40 secondes, et l’image pixelisée bouge un peu. C’est une prise unique (une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux authentifiée par Le Monde montre le véhicule arrêté deux fonctionnaires de police se tenant sur le côté au niveau de la vitre avant dont l’un tient en joue le conducteur quand la voiture commence à redémarrer, un des deux policiers ouvre le feu touchant l’homme au thorax. Une autre vidéo montre la voiture accidentée quelques mètres plus loin, entourée de secours.Les faits ont eu lieu vers 8 h 30 près de la station de RER Nanterre-Préfecture). À un moment ils seront quatre. Quatre réunis arbitrairement. Quatre (plus ou moins visibles). Dans et hors cadre. Quatre pour une vidéo de 40 secondes. Une ombre derrière la fenêtre d’une portière ( L’air est parfois si doux, qu’on ouvre la portière ; Le vent chargé de bruits, − la ville …); une ombre dans la voiture couleur de bière : ce véhicule à l’arrêt. Jaune. Et l’ombre à l’intérieur. Et les deux casques de police à l’extérieur. Et les mains gantées qui braquent l’arme de poing — noir sur noir — dans la direction de l’ombre ( l’individu) (le conducteur) ( le jeune) (sans permis) qui se dessine derrière la vitre du passager; l’ombre et la voiture arrêtée. Jaune . Dans une rue de Nanterre. Nanterre Préfecture 96 277 habitants soit 24056 et des poussières par groupe de quatre: combien portent des gants, des armes, combien sont mères , les bébé vous les comptez? combien : dix sept ans. C’est vers 8 heure du matin un trou. Dans le thorax côté conducteur. L’individu du véhicule : France conduite à gauche et jaune sur le trottoir : Trou. Rouge du côté gauche ? Trois plus un. Quatre pour une soustraction. L’œil qu’on ne voie pas. L’œil derrière pour un plan de 40 seconde en une seule prise : une exécution. Et le trou. Un trottoir. Un drap. Quatre moins un. Et beaucoup plus.

A propos de Nathalie Holt

voilà ! ou pas

6 commentaires à propos de “#été2023 #03bis | Trois plus un : soustraction”

  1. « L’air est parfois si doux, qu’on ouvre la portière ; Le vent chargé de bruits, − la ville … » redoutable phrase, et terrible décompte de ce texte, bravo !

  2. ta dernière scène nous prend à la gorge forcément
    impossible de commenter…
    mais je te suis dans le décompte dans  » le trou. Un trottoir. Un drap. Quatre moins un. Et beaucoup plus. »

  3. Le réel s’empare de nous autant que nous nous emparons de lui. Pour le tenir ainsi, nous le rendre, nous aider à nous y retrouver, merci Nathalie Holt.

  4. Christine, Catherine, Piero, Françoise, Ugo, Merci de vos passages lectures et retours.