En lisant S’entendre écrire ( » personne dans mon entourage n’écrivait et lorsque ma tante Joëlle rédigea un mémoire de biologie sur les abeilles, c’est mon grand-père qui en fit la préparation, et ma grand-mère la relecture, on en parla pendant au moins dix ans, ce que Maeterlinck avait observé et décrit dans son livre La vie des abeilles, et ce que mon grand-père avait lui-même vu et que Maeterlinck ne mentionnait pas et ce que Joëlle devait en faire et en dire, les versions et les corrections, et enfin le passage à la frappe, on disait ça, le passage à la frappe, confié à une jeune élève en secrétariat qui en avait tapé les deux ou trois exemplaires obligatoires… Un brouillon écrit à la main était régulièrement montré aux visiteurs de passages ») me demande comment l’écriture essaime dans l’enfance pas seulement par la présence des livres : journaux, lettres, « thèse »( tout le monde n’a pas la chance d’avoir un parent écrivaine ou vain). Correspondances. Ma grand-mère consignait sur des cahiers d’écolier son « chemin de théâtre ». Présence sensible de qui écrit. Lettres reçues. Ma mère nous écrivait de sa grosse écriture ronde et nous savions un peu du voyage paysage des tournées : Mes chéris… Me souviens d’une autre lettre. Et quand il était mort on l’avait beaucoup cherchée « La lettre » si bien rangée sous nos yeux. Qu’il lui avait écrite de Drancy — parce que quelqu’un avait dit qu’il pouvait la faire passer : comme poser caillou sur une route pour retrouver le chemin? Ultime adieu : dire je reviens. Pari ?( croire que Dieu existe celui-là justement qui a fait Job). Sans y croire il l’a écrite. Des mots jetés dans l’urgence. Pas de la littérature. Un signe. Juste une lettre qui serait entre nos mains. Une feuille jaunie remplie à ras bord buvard diaphane et l’encre bue bleu-noir épaisse (Petite maman que .... ) écrite du milieu du chaos. Parvenue à sa destinataire. Qui parle de vivre. C’est avant de monter dans ce train. De rire. De vivre. Une lettre contre la mort.
Importances des correspondances quand l’écriture nous réfugie vers l’autre. Merci Nathalie Holt. Votre question-abeille a pollinisé un souvenir enfoui de l’adolescence : ma mère avait tenté de m’interdire de correspondre avec mon amie d’enfance. Quelle erreur !
Interdire d’écrire ! d’écrire de lire de dessiner de dire c’est le commencement du désastre… (Tenté mais échoué j’espére) Merci Ugo
« Sans y croire il l’a écrite. Des mots jetés dans l’urgence. Pas de la littérature. Un signe. Juste une lettre qui serait entre nos mains. Une feuille jaunie remplie à ras bord buvard diaphane et l’encre bue bleu-noir épaisse (Petite maman que …. ) écrite du milieu du chaos. Parvenue à sa destinataire. Qui parle de vivre. C’est avant de monter dans ce train. De rire. De vivre. Une lettre contre la mort. »
Sans le savoir peut-être, nous écrivons toutes et tous contre la mort, mais on croit qu’on écrit pour vivre mieux le plus souvent ou plus plaisamment. C’est une « erreur » comme l’écrit Ugo. Comme si les piqûres infligées par les abeilles dérangées ne servaient qu’à nous rappeler que l’ouvrage de transmission ne peut pas être interrompu sans conséquence. Et nous perdons trop facilement le miel des mots dans nos trajets incertains et parfois brouillons. L’abeille est mono-idéique mais elle est fiable dans sa mission.
… cette chose qui arrive de rencontrer l’écriture dans un moment de deuil/perte/abandon, où l’écriture prend ( nait commence vraiment) dans une blessure. Est-ce que ça tient? L’écriture refuge ça dure? ça ouvre à l’écriture? (J’ai lu des livres de deuil de douleur d’écrivain(es)s qui était déjà écrvain(es ) Philippe Forest par ou le Lambeau de Lançon le fait qu’il ou elle soit déjà écrivain ? (Hugo et sa fille) Duras et la mort de l’enfant … ça change quelque chose?
Merci Marie-Thérèse