Debout contre le mur de sa grande pièce je le regarde ce Bertrand aux prises avec les deux femmes. Parce qu’elles pensent qu’il est aux prises avec elles, Ducrozet, ou plutôt Marie-Jeanne pense qu’il est sa prise et qu’il a besoin de son aide, de celle de Marion aussi, elle se veut généreuse Marie-Jeanne, pas possessive. Mais elle se trompe Marie-Jeanne. Elle ne pourra pas le manipuler pour son bien, Ducrozet. Je l’aime assez finalement, oui puisque maintenant je l’ai rencontré, je crois le connaître assez bien Ducrozet et je l’aime plutôt. Elles l’occupent mais il se passerait bien d’elles à la rigueur leur BD comme elle l’appelle Marie-Jeanne, il se passerait surtout d’elle Marie-Jeanne. De Marion aussi, mais Marion c’est différent, elle ne veut pas le manipuler, elle voudrait le comprendre, peut-être même voudrait-elle le posséder Marion, du moins posséder ce qu’il pense, ce qu’il sent. Voudrait le comprendre Marion comme pour en faire un personnage sans autonomie par rapport à son imagination. Elle est gentille Marion, non elle est plus ou autre que gentille, attachante, ou je la trouve attachante mais je me méfie de son imagination. Elle rêve sa vie Marion, parfois. Je fais quelques pas, je sors dans le jardin, je me retourne vers la pièce et je les regarde tous les trois. Je les regarde de l’extérieur. Je me demande s’ils veulent élargir leur trio, Marie-Jeanne, Marion et leur Bertrand ou BD, puisqu’elles le pensent leur, moi qui ne suis là ce soir qu’en époux et chauffeur de Marie-Jeanne. C’est vrai, elle dirait que c’est à cause de moi que cette soirée à l’opéra et cette après soirée où je suis a eu lieu, à cause du goût pour la musique qu’elle me connait. Elle se soucie de me proposer ce que j’aime, pense-t-elle, Marie-Jeanne. Elle cherche toujours ce que les autres aiment Marie-Jeanne, ce qu’elle décide qu’ils aiment et elle a souvent raison Marie-Jeanne, elle nous le démontre. Maintenant je suis là à l’extérieur et je les regarde et je me demande si j’ai envie de les rejoindre. Ce serait vouloir le connaître Bertrand Ducrozet. Le connaître vraiment Ducrozet. Si on pouvait connaître quelqu’un, ce qui bien sûr n’est pas possible. Echanger avec lui, peut-être, c’est ce qu’on appelle connaître quelqu’un. Faudrait qu’il le désire. Il me semble qu’il l’accepterait mais pas qu’il le voudrait. Je crois qu’il s’en moque un peu, qu’il se moque de beaucoup de choses, Bertrand, qu’il joue à être là, dans cette ville qu’il avait oubliée, qu’il joue à être avec ses deux amies, comme elle le croient, mais qu’il n’est pas là tout à fait. Je crois qu’il aime jouer pour continuer sa vie Ducrozet. Finalement je pense que j’aimerais assez jouer.
« Si on pouvait connaître quelqu’un, ce qui bien sûr n’est pas possible. Echanger avec lui, peut-être, c’est ce qu’on appelle connaître quelqu’un. Faudrait qu’il le désire. Il me semble qu’il l’accepterait mais pas qu’il le voudrait. Je crois qu’il s’en moque un peu, qu’il se moque de beaucoup de choses, Bertrand, qu’il joue à être là […]
Jouer à vouloir connaître sans se soucier du désir et a minima du consentement ce n’est sûrement pas le plus facile. Les relations d’emprise entre les personnages demandent à être explorées. Et quand Bertrand s’en fout, on est mal barré.e, non ?
on peut le supposer
J’aime beaucoup cette liberté nouvelle dans le récit.
grand merci Dabielle