Alors nous, on est riche ? Non pas vraiment.
On est pauvre alors ? Non plus.
Alors on est quoi ? Moyen…
Entre les héros miséreux de Charles Dickens et les rois et princes des contes, il ne situait pas bien ce qu’était « moyen », il n’aimait pas ce mot sans signification aucune, dans la vie, on devait être riche ou pauvre, riche de préférence. Pas besoin de se poser la question pour savoir si Titi et Pierrot étaient pauvres. Et même si les parents se débrouillaient pour ne pas prononcer ce mot à leur sujet, l’odeur de caca de poule qui vous piquait le nez dès qu’on passait la grille de leur cour le chantait à tue-tête. Ils étaient pauvres, aucun doute là-dessus, et lui se sentait riche car il avait des jouets, plein, et eux aucun. À l’école, il se sentait parfois pauvre, question de tenue et de lieu de vie, il avait compris qu’on ne parlait pas de ces choses-là même si le sujet était tout le temps sur le tapis. Elle note le moindre sou dépensé sur son carnet de comptes à reliure noire, elle note l’objet de la dépense, la date et le montant, et calcule le total en fin de page dans une petite case à droite et elle pose son grand porte-monnaie à côté. Parfois il lui chipe une ou deux pièces jaunes avec un grand sentiment de honte, jamais de pièce blanche ou de billet bien qu’on dirait qu’elle ne s’en rend pas compte, alors à quoi lui sert de compter ? Lui distribue l’argent de poche du mois avec solennité, parfois pas si bêtises, et c’est lui qui offre les cadeaux aux anniversaires et à Noël. Il dit souvent ces mômes ont besoin de viande ou d’un nouveau manteau, elle répond avec l’agent que tu me donnes, comment veux-tu ? Ils se disputent. Il fait ses propres achats (livres, costumes chemises et slips chaussettes au Printemps Brummel, chaussures chez Bally suisse). Elle achète les tickets de métro bruns, lui les verts. Elle trouve qu’il dépense trop, il trouve qu’elle ne dépense pas assez. Sa sœur dépense son gros argent de poche en trois jours. Il économise son petit argent de poche pour un achat précis, elle se moque de lui. Et ça lui restera, cette réputation de radin.
une remontée digne du tour de France Catherine, mais qui nous donne le plaisir d’aller te lire d’une traite. Même élégance ici, il y a peu de choses, de petits gestes, et je trouve une grande justesse, tout le monde du « pas beaucoup » qui est ici décrit avec une belle économie de moyens (sans mauvais jeu de mots).
Merci Marion
Quel plaisir aussi de retrouver ces personnages ! Merci, Catherine. Vais vite lire le texte suivant.
Mille mercis
Tout est extrêmement juste et les realia, comme effets de réel, sont vraiment émouvants, si difficile à trouver en écriture, cette délicatesse, la véritable observation, sans commenter outre mesure, nous débarrasse soudain de préjugés, en cela c’est exceptionnel