D’une vision historique de la place des dépenses dans la société pyrénéenne
Le marché le plus fréquenté depuis le XVIe siècle est celui d’Arreau, le jeudi, qui a gardé son privilège par rapport au marché de Sarrancolin, le mardi. On dit qu’il n’était pas aussi beau. Sur les marchés, des droits de place sont prélevés quand on est étranger, c’est-à-dire quand on n’est pas du village (si on vient de l’autre côté des Pyrénées, c’est plus cher encore). Les taxes portent sur les marchandises vendues. Je m’appuie sur le travail de l’historien, sur son travail d’enquête et de documentation car, contrairement au poète, il n’invente pas les chiffres. Je prélève un fragment de réel que j’arrange un peu pour qu’il devienne un fragment de poème :
chaque jument ferrée 27 liards
si elle ne l’est 5 liards ½
chaque pourceau bœuf ou vache 1 liard
chaque charge de marchandise soye toiles draps ou autres denrées grossières 3 liards
pour étrangers passant ou revenant d’Espagne avec certaines charges de soye velours taffetas ou passement et autres denrées de soye 13 liards
Il existe aussi des foires aux domestiques mais pas de poème pour celles-ci. Je préfère examiner les biens de l’Église, promesse d’un tableau plus pittoresque. On sait que la situation matérielle de l’Église n’est pas négligeable grâce aux dons, legs, obits accumulés au cours des siècles. Les recette de l’Église proviennent de la vente publique des propriétés du clergé (champs ou prairies), de la gérance du bétail, des contraventions aux règlements (places interdites, blasphèmes, resquille des dimanches…), des dons en argent ou en nature, des produits des bassins (pour l’entretien et les messes). Les dépenses ainsi nommées sont chapelets de prières :
2 livres pour les prêtres d’Azet venus à la procession le jour des litanies
½ coupeau de froment pour les filles qui font la lessive de l’église et 5 sols de beurre pour leur collation, 5 sols et six deniers de miel
1 livre 1 sol 9 deniers pour 10 pintes de vin le jour de la reddition des comptes
1 livre 9 sols pour 8 pintes de vin pour la collation de la Circoncision
1 livre 8 sols 6 deniers pour les collations ordinaires et pintes de vin du soir de Cap d’an
1 livre 6 sols 9 deniers pour ensevelir une pauvre femme
1 livre 16 sols pour 6 pintes de vin en temps de maladie contagieuse pour Bertrand Bertot
1 coupeau carron et 1 coupeau orge pour les sonneurs de cloches (messe bien sonnée est à moitié dite)
7 livres 3 sols 9 deniers le jour des Rogations pour 13 pots de vin et 1 livre de beurre et de l’épicerie
1 livre le soir de la Toussaint pour la collation des consuls, marguilliers et chantres
On dépense de l’argent les jours de processions, de lessive, de reddition des comptes, de maladie contagieuse, d’enterrement, de circoncision, de rogation, de Toussaint et de cap d’an. On dépense surtout de l’argent en collations (du vin par pintes). On dépense de l’argent pour les prêtres, pour les filles, pour une pauvre femme, pour les sonneurs de cloches, pour les consuls, pour les marguilliers et pour les chantres (pas pour les étrangers).
On paye plus cher une jument ferrée. On paye plus cher si on est un étranger revenant d’Espagne. Le clergé paye souvent en collation. Le vin occupe une place importante dans les dépenses. Il se boit à la pinte (or ça à boire ! à boire or ça !).
(j’aime beaucoup le « messe bien sonnée est à moitié dite »… c’est tout dire (ou tout sonné))
Ça c’est du Rabelais !