Quand je l’ai vu soulever la pierre, me suis dit ça recommence, sont d’un chiant les Titi-Pierrot, morve au nez et pierre en main à longueur de jours, ou si pas pierre, bâton, si pas bâton, loir crevé, les parisiens, les loirs crevés les font hurler et galoper jusqu’au bout du patelin… c’est des durs les Lorgne, des vrais casse-couilles, ça leur passera avec le langage, ou pas, savent pas causer, c’est ça le problème, que lancer des pierres et brandir des bâtons, le gamin a réagi avant moi, il m’a coiffé au poteau en fait, le frère à la parisienne, ça m’étonne pas…
La petite Colette a rappliqué toute fière avec son paquet de Kréma, des Batna goût réglisse, distribution générale, à moi, tu peux en prendre trois, et au final pas toi sous le nez de Titi, pas toi sous le nez de Pierrot, et leur mère qui vérifiait depuis sa fenêtre, pas aux petits Lorgne, t’entends Coco ? pas aux petits Lorgne, ces mauvaises graines, ah ça non, pas de bonbons pour leur sale museau t’entends Coco ? Oui donne leur z’en à eux autres, même aux parisiens… mais pas eux, les Lorgne, alors Titi a piaillé, pleuré et ramassé une pierre, comme d’hab’, et la mère : revient-en Coco, vas pas rester déhors avec ces chienlits, le petit parisien s’est avancé tout tranquille, il le lâchait pas avec ses yeux le Titi, on aurait pas parié une dent gâtée sur lui , tout maigre et à lunettes, un vrai dur, pourtant Colette avait déjà déguerpi avec son paquet de bonbecs. Quatre ans il a le Pierrot, cinq le Titi, leur mettre des bonbons sous le nez et tintin, mais bon, c’est pas mes oignons non plus.
Z’avaient qu’à pas commencer, z’avaient qu’à pas dire, que nous avec Pierrot, on y a pas droit aux bonbons, z’ avaient qu’à pas, contre nous toujours, Colette c’est pas une pas belle, une vilaine même, et sa maman pareille, moi j’aime ça les bonbons et elles en donnent pas, moi mon chocolat j’en donne, mon pain, j’en donne, et elles rien, des vilaines pas belles, tout le monde au village pareil, et puis la peur, j’ai la peur, j’ai la peur de leur peur qui fait peur, ça les fait courir vite ma peur, les voir courir devant ma peur j’ai la peur mais lui non, alors j’ai jeté la pierre, lui il nous regarde pas comme les autres, il regarde tout le monde pareil, il m’a donné son Batna, lui, après la pierre.
Je sais pas ce qui m’a pris, j’aime pas qu’on dise pas toi, mais depuis qu’on est là, ces mioches ils nous poursuivent avec leur bâton, leur pierres, et puis quand ils peuvent ils ramassent un loir crevé et nous courent après avec, et ça nous fait bien courir. Mais là, le coup des bombons, non. On dit pas pas à toi. Ça ne se dit pas. Chez nous, on ne dit pas ça. Alors la pierre bien sûr, une fois de plus la pierre, et je sais pas ce qui m’a pris, j’avais peur de me la prendre mais je voulais pas de ça, de cette scène-là, que nous on mange nos bonbons sous leur nez, non. Je dis ça après coup, c’est aussi pour que ça cesse je crois, ces pierres et ces bâtons, c’est aussi que c’est des tous petits quand même, une pierre est une pierre, si tu la prends dans la figure que ça vienne d’un tout petit ou d’un grand ça change pas, en vrai, je te dis, je sais pas ce qui m’a pris, je l’ai fait avant de penser à le faire, et quand j’ai pu penser c’était fait. Il était tout étonné Titi, au fur et à mesure que j’avançais sur lui, il était de plus en plus étonné, je savais, je savais, oui qu’il ne la jetterait pas, je ne le dis pas mais j’ai pas de mérite.
Chacune de ces voix enfantines m’a touchée, chacune bien individualisée et faisant avancer le récit de la scène, le creusant un peu plus, merci Catherine
Merci Laure, pour ma part je ne suis pas fan de ces monologues ce sera à retravailler, mais vous m’encouragez.
Un langage tout en couleur, rythme et cadence qui nous emballe et entraine dans sa ronde. Pas fan non plus des monolgues, sauf quand ils sont bien faits, et c’est le cas ! Le dernier surtout qui est aussi le premier geste d’une possible trêve ?
les monologues en général ne me posent pas de problème, mais c’est les moins qui ne me satisfont pas chère Helena mais merci de ton encouragement et je vais réfléchir à cette possible trêve…
Le mauvais exemple vient de la fenêtre : une mère qui empêche la distribution d’un paquet de bonbons à hauteur de mioches parigos et provinciaux (la même dans le bac à sable avec les pelles et les seaux…), elle crée forcément du grabuge… Cela me rappelle la chanson du pote à Steve Waring, Roger Mason : le blues de la poisse…
https://www.youtube.com/watch?v=qeamPme5CQQ&t=29s
Ben oui, ça vient de la fenêtre les mômes aiment bien garder leurs bonbons mais la distribution sélective. Merci pour le lien, je ne connaissais pas
Grand plaisir à vous lire. Comme c’est vivant !
Merci
Grand merci Françoise
Une verve et un point de vue à hauteur d’enfants bien campés ! C’est croustillant, bien que rugueux sur le fond. Je trouve intéressant que tu risques ces monologues qui embarquent chacun.