Son monstre est là, tapi dans le coin. Il le voit. Salut Hector ! Il l’a surnommé Hector, il lui répète Hector t’as tort, encore toi Hector, quand il est de bonne humeur. Là non. Hector prend le pouvoir, il déballe ses ressentiments, ses regrets, ses colères, ses exigences et ses frustrations, il ne digère pas le divorce, sa choupette en allée la salope, Hector veut reconstruire le monde à sa convenance. Le monde résiste l’empaffé, les autres résistent empaffés… Hector se veut redresseur de torts, il faut jouer avec Hector. Ces temps derniers, il s’incruste. Hector exagère toujours, il est mauvais joueur, il veut toujours gagner, et il perd, il perd… Sif se sent juste triste, juste envie de se laisser couler, si j’étais de l’eau, ce serait facile, je coulerais le long des murs, je coulerais sur les meubles, je coulerais dans les caniveaux et dans les égouts, je coulerais dans la terre, couler, couler, encore couler, capillariser. Hector lui veut tout détruire, tout pulvériser, tout faire sauter, trop fatigant, gueule toujours moi je coule, je coule dans les fleuves, je me coule dans la mer immense. Ou alors être une bonne pâte, de celle qu’on malaxe, Hector se fout de lui, une pâte à pain qui gonfle, qui gonfle, un môme en arrache un bout, elle est élastique, il la goûte, elle est acide, ou une pâte mentholée, rayée rouge et blanc une pâte dentifrice qui soigne aussi les brûlures, un truc de sa mère, mi-infirmière mi-sorcière, entièrement frappadingue selon Hector, fragile selon lui, on en léchait un peu sur la brûlure même… une pâte à tarte douce et sucrée, une pâte à modeler pour se mettre en boule, en chien, en galette, en arbre, en rien, bien malléable. Sous les mains, le rouleau, dans le four. Il retourne dans sa Clio de location, elle sent le plastique, le neuf, j’achète j’achète pas ? Hector dit oui, lui non. Prends mes colères Hector, je te rendrai la paix, peut-être… Hector a toujours les moyens de tout, et peur de rien, tout et tous les niquer c’est la solution, et surtout Li, la salope. Elle ne donne jamais de nouvelles, c’est bien son droit après tout, et puis à lui aussi ça lui fait toujours un peu mal de la voir, ça le creuse en dedans, ça y verse de l’huile bouillante, ça réveille Hector, elle est tellement crispée névrosée dit Hector, la Clio démarre avec une douceur réconfortante, il aime bien conduire, il va falloir t’acheter une voiture, est-ce qu’il en a les moyens ? Cette archisalope t’a larguée, t’as bien droit à des petits plaisirs tranche Hector. Et le gosse alors ? et le gosse ? Hector la boucle. Il ne peut pas toucher au gosse.
C’est puissant, dense et terrible cet échange tout d’un bloc entre celui qui coule et son monstre tapi dans un coin. J’aime beaucoup.
Merci Françoise c’est encourageant
Sif se sent juste triste, juste envie de se laisser couler, si j’étais de l’eau, ce serait facile, je coulerais le long des murs, je coulerais sur les meubles, je coulerais dans les caniveaux et dans les égouts, je coulerais dans la terre, couler, couler, encore couler, capillariser.
J’aime l’eau, aussi la pâte, la mère frapadingue, Hector j’aurais peur, et les hésitation au sujet de l’achat. Ca coule et ça passe, ça traduit
là aussi, personnage tapi dans un coin avec la tête remplie de choses terribles, monstre redresseur de torts, vengeur
une bien chouette idée que de dresser une sorte de double de ton personnage…
Les deux voix en circulation qui s’infiltrent dans les matières, qui ne cherchent finalement, en deçà de leurs cris, qu’à disparaître dans la matière qui coule et circule, n’est-ce pas ce qui sauve, ce que chacun souhaiterait, ce que chacun imagine de mieux pour diluer les rancoeurs, les pincements, les mauvais souvenirs, que rien ne se fige, que tout avance et s’affine, par capillarité,
et non plus affronter avec l’infernal courage, des murs et des murailles
Merci vivement Catherine pour cet appel au mouvement