Aujourd’hui, je suis morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. Dans mon sommeil, dans mon lit, c’est très doux. Je suis dans un espace noir et froid. Je ne sais pas ce que je veux, terre ou feu. Je ne peux plus le dire. J’hésite encore. Comme j’hésitais dernières volontés, testament, mesures anticipées, don d’organes. Je n’avais pas envie d’y penser.Je n’ai rien fait. Maintenant c’est trop tard. Ai-je bien ou mal vécu ? Ai-je accompli ce dont je rêvais ? Laisserai-je une trace dans quelques cœurs ou têtes ? Reviendrai-je hanter quelques lieux ou quelques esprits ? Quels morts me manquent à moi vraiment ? Lesquels m’accompagnent parfois au point que je les vois à côté de moi ? J’aurais aimé rêver plus. La dernière nuit, j’ai rêvé je crois que j’étais mutée à St Etienne, puis c’était à Dunkerque et cela me semblait insurmontable. J’aurais aimé ne jamais ressembler à une vieille dame. Je ne sais pas si j’y suis arrivée. Pour le reste, je ne sais pas. Avant, je pensais à ce que je laissais, mes écrits, ma bibliothèque, mes photos, qui s’en emparerait ? Je n’y pense plus. C’est très léger. St Etienne ou Dunkerque quelle importance ? Je n’ai plus de volonté, plus rien ne dépend de moi. C’est dur au début de s’abandonner, mais ensuite c’est facile. Je n’ai jamais cru qu’il y avait quelque chose après. Cela commence à m’intéresser. Et si…je n’ai plus de projet.
le texte de 2019 est ici. Caviardé, mais j'avais gardé le texte complet. Relire ce que j'avais caché ne m'apprend pas grand chose qui serait à developper et n'apprendrait rien de plus à qui le lirait.
Depuis 10 ans, je fais partie d'une association de biographes qui prépare actuellement un livre passionnant de témoignages sur les pratiques des biographes. J'admire les narrateurs qui se confient à un biographes malgré leurs peurs et toutes les biographies sont passionnantes; ce n'est pas pour moi! Ce que j'ai fait ou n'ai pas fait n'a pas de sens. C'est mon rapport au monde que je voudrais dire et aussi les périodes où la tête ou le corps déraillent ou nous lâchent, les périodes de doute et d'empêchement.
non, aucune importance Dunkerque ou Saint-Étienne (mais oui, enfin, plus de projet : c’est quand même un projet, le prologue)
Il faut que je guérisse de la mort de Françoise Hardy. Je suis sûre que tu comprends.
Il n’y a pas beaucoup de différence entre naître et mourir, il est question d’un passage « obligé » où l’on n’a pas le temps de s’installer pour contester quoi que ce soit. D’où l’intérêt de ce texte qui donne une idée de ce que l’on peut se raconter à soi-même pour donner du sens et peut-être du sentiment à la grande affaire du début et de la fin. Le début Camusien m’a fait sourire tendrement. L’apparent détachement, haute ruse pour ne pas s’effondrer à l’idée de perte irrémédiable.Il y a une certaine mélancolie dans votre questionnement mais vous la contournez en imaginant un possible abandon, un lâcher prise qui soulage. Nous sommes beaucoup à imaginer quelque chose dans ce registre sans toutefois pouvoir le formuler. « Je » est réversible en pensée , mais il ne faut pas trop s’y accrocher, surtout à la fin (supposée) de l’histoire…On ne naît pas longtemps dupe. Et puis la vie d’après, en formes novatrices, on peut déjà l’imaginer, même si l’on ne croit pas à la vie éternelle… La mort c’est avant tout une escapade un peu plus courte que la grande épopée de la naissance, il faut vite comprendre quelle direction prendre ( sans doute une prouesse d’ange devenu adulte ). Je pense moi aussi à Françoise Hardy, en vingt ans , elle a eu le temps de réfléchir à l’après… et elle a pris Le grand large avec soulagement. https://www.youtube.com/watch?v=opJZildiOlo&t=3s
Merci Marie Thérèse, pour la vidéo aussi.
J’aime particulièrement ces deux phrases : « Aujourd’hui, je suis morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. » / » J’aurais aimé ne jamais ressembler à une vieille dame. Je ne sais pas si j’y suis arrivée. » – Elles sont puissantes.
J’aime aussi ces questions existentielles : « Ai-je bien ou mal vécu ? Ai-je accompli ce dont je rêvais ? » – On se les pose, se les posera un jour, avant même d’arriver en bout de route.
Plaisir de te lire, te retrouver.
Merci Annick