#anthologie #prologue | magma sédiments et tectonique

est-ce hasard |?| amour |?| nécessité |?| les voilà | biologie physiologie génétique hormones gamètes fécondation corps suant peau caressant muqueuses sucs doigts lèvres sexes désir jaillissant tremblant épuisant souillant renaissant criant | désirs | avoués travestis retenus lâchés exaltés partagés supportés | longtemps avant même la fabrique de | je | parlé pensé rêvé aimé espéré imaginé anticipé nommé confondu superposé condensé concentré dilué emmêlé redouté adoré échafaudé bricolé trafiqué halluciné | les voilà envoutés | espérer, réparer, modifier, transformer édifier fantasmer | la famille les enfants les avant les après | les façonner tout comme il faut | jour après jour tenir durer | les voilà inquiets | ne savent pas encore – ne sauront jamais tout à fait | tout le poids les joies les colères les tristesses les peurs les fêtes les tenants les aboutissants les tenons les mortaises les roues les engrenages les passages aériens les souterrains | les voilà | amoureux emportés | les voilà | obstinés sérieux | usés découragés | enthousiasmés fous | travaillent construisent nourrissent lavent éduquent rassurent encouragent engueulent guident consolent accompagnent | font pousser en ressemblance en différence | par amour par devoir par habitude par ignorance par obligation par raison-déraison par la force des choses par ce qui est fait est fait par dépit par faute de mieux par comme les autres réclament | par dur désir de durer | par habitude encore par ignorance encore par tendresse | encore…

pas encore | je | flotte flotte flotte | pas de vision pas d’alphabet pas de majuscules points virgules minuscules pas de mots déménageurs d’histoires pas de sens pas de directions pas d’origine pas de fin pas de sensations | innommables | des effluves, bourgeons d’odeurs, traces ? | pas de contenant ni contenu pas de présent ni passé continus ni contigus pas de futur proche ni lointain pas d’intermittence pour surgir s’éclipser recommencer pas de souhaits ni regrets ni remords ni désirs pas de jour pas de nuit pas d’espoir-déception | pas de lit dans la maison pas de fenêtre pas de jardin pas de rue pas d’embrasse-moi serre-moi dans tes bras pas de souffle d’air : ouvre la fenêtre | flotte poisson dans l’eau flotte | ni poisson ni eau | pas d’accord désaccord pas d’avis pas d’envie pas d’attente pas d’adresse lisible jusqu’à

            né un jour braillant ! – mieux que n’être. De la main d’état-civ |il| son identité d’appartenant-grandissant : prénom nom sexe tel que prononcé et répété dans les paroles d’avant et devant lui, maintenant gravé dans le marbre de l’officiel – qui aime bien aligner ranger répertorier : ce jour-là, à telle heure, le squatteur appendice barbare de maman a crevé domicile à la surface, chez le couple ci-dessus consignés père et mère, eux-mêmes tissés d’issus tous en chapelet.  Impossible vraiment de décréter l’instant ni dénombrer toutes les minutes et secondes – les trouées multiples de la co-naissance réciproque – comme d’un coup le voile se déchirerait, précipitant le cri délivré dans le surgissement bébé-monde. Se déchiffrent mutuellement. Jusqu’au terminus inachevé de l’au-delà où tout s’enfuit de ce qui commence et finit depuis

beaucoup à gratter les sédiments du magmas d’avant |je| et tous mes alentours. Regarde, écoute, ressens, oublie, note : il a plu brillant sur les toits, tuiles ardoises, maisons immeubles usines, il a fait soleil bleu sur la place immobile, statue équestre, piétons engourdis vibrants de lumière, chien haletant, il a fait chaud, il a fait froid il a fait soif faim, doux dur, sucré salé, sec humide, clair comme brûler de larmes, noir comme étouffer sous le drap, il a fait claquant silence des pas loin dans le couloir de nuit, tord ventre tord tête, et rire pleurer jouer marcher tomber courir nager faire du vélo, croire ne plus croire, aimer ne plus aimer, être aimé ne plus – être en colère s’enthousiasmer renoncer recommencer. Depuis. Ai fait dit écrit cru n’importe quoi en désespoir de cause, quête de raisons, me suis comporté médiocrement dans la moyenne. |je| cherche absolument les forces de la vie. Quelques fois trouve quand |je| ne cherche plus.

6 commentaires à propos de “#anthologie #prologue | magma sédiments et tectonique”

  1. Ah ! comme j’aime ce texte, cet avant qui ne nous appartient pas, si bien supposé, on l’espère tel en tout cas que suggéré ici (enfin, je l’aurais espéré pour ce qui me concerne, en vrai !)… Et oui, beaucoup à gratter encore, ça ne demande qu’à être exhumé peut-être. Mais nous n’en sommes qu’au prologue !

    • Ah! Tant de choses qui ne nous appartiennent pas, sont là sans y être mais… comment sous quelles formes quelles traces et sédiments ? Sans cet inachèvement qui est nôtre qu’aurions nous donc à parcourir ? Merci à toi de la visite et de ce nouveau compagnonnage !

  2. Ah voilà qui va m’encourager à « réveiller » le blog que j’ai bien délaissé !!! Merci !

  3. J’aime beaucoup ce texte aussi pour sa puissance, et sa puissance d’évocation, sa palette métaphorique du magma, des sédiments. C’est ce que nous sommes, des couches ajoutées les unes sur les autres.