C’est un livre découvert tard, très après les premiers enchantements fulgurants de l’adolescence mais justement, un de ces livres capables de m’y ramener, un de ces livres merveilles dont je sais qu’ils vont m’accompagner longtemps, qui brillent d’ un éclat éminemment fragile et précieux, presque comme la vie même, dont, tout au moins, ils subliment la valeur. Surgissent au fil de ma vie, de loin en loin, des instants durant lesquels le temps se suspend, des instants où tout se fige et où le monde soudain s’ouvre comme s’il me poussait des ailes. Une image, un parfum, un son, suggèrent ces épiphanies. Et quelques livres, dont celui ci. De bons auspices présidaient à cette rencontre car dès l’ouverture, il convoque des émois profonds, ceux que je vécus en découvrant les marines de Monet, de Manet, justement, à l’adolescence, les lumières de Pissaro, Sisley, les dessins de Pratt et qui me reviennent là, comme des embruns chargés d’alizés, tout plein de l’ivresse de l’inconnu familier. C’est le claquement d’un voile de mousseline blanche contre une fenêtre haute, ouverte sur l’océan. C’est la mémoire qui habite physiquement un lieu, c’est ce lieu qui en devient lui même une personne, vibrant jusqu’à la tasse en porcelaine posé sur une table basse, de l’âme des êtres qui l’habitent, l’ont habité, puis reviennent. Quelles empreintes nos vies laissent elles là où nous avons vécu ? Quelle part de nous demeure en marge du temps ? Où sommes nous saisissables par nous même ? Ce sont des questions qui appartiennent à la poésie. Ce livre ci ne parle que de ça, de ces subtilités qu’un coup de vent balaye, nous laissant orphelins, perdus, désorientés, comme nous le sommes la majeure partie du cours de nos vie mais que le livre ramène, ce livre ci, pour moi, comme une Terre, au milieu de l’océan.
En un seul mot : émue…
Merci Laurent !
Merci à toi Geraldine. 🙂
« comme une Terre, au milieu de l’océan »
Oui, sentiment partagé. Merci Laurent.
Une terre au milieu de l’océan, oui, c’est vrai que c’est ton pays Hugo. 🙂
« Et quelques livres, dont celui ci. De bons auspices présidaient à cette rencontre car dès l’ouverture, il convoque des émois profonds, ceux que je vécus en découvrant les marines de Monet, de Manet, justement, à l’adolescence, les lumières de Pissaro, Sisley, les dessins de Pratt et qui me reviennent là, comme des embruns chargés d’alizés, tout plein de l’ivresse de l’inconnu familier.[…] Ce livre ci ne parle que de ça, de ces subtilités qu’un coup de vent balaye, nous laissant orphelins, perdus, désorientés, comme nous le sommes la majeure partie du cours de nos vies […] comme une Terre, au milieu de l’océan.
Ce que les peintres ou les dessinateurs -trices « rameutent » pour nous dans l’espace restreint d’une « représentation » nous repique comme des poireaux dans un champ où nous nous croyons seul.e.s, et parfois abandonné.e.s, le livre est un espace entouré d’orphelin.e;s de cette sorte, prêt.e.s à tout pour rejoindre la terre ferme ou la certitude d’exister.
la voile légère, le paysage comme esquissé
et dans les questions celle qui me touche davantage « Quelle part de nous demeure en marge du temps ? »