Parce que les mots sont fondation de vie. Signes, puis lettres, voyelles, premières, consonnes, ensuite. Syllabes. Vibrations par lesquelles on apprend à se connaitre, de l’intérieur. D’abord par l’intérieur. Toujours. Les mots. Leurs sonorités, leurs musiques, leurs prononciations, leurs accentuations font identité. Leurs sens, leurs significations, leurs définitions font différence.
Parce que la vie s’articule de phrases. Suite de mots mis bout à bout. Que l’on nous explique, que l’on nous apprend puis que l’on choisit d’écouter puis de lire. Des phrases plus ou moins longues, plus ou moins belles, plus ou moins capitales. Avec des noms. Avec des verbes et leur conjugaison, des adjectifs, des adverbes, des compléments. Et l’art difficile de la grammaire. Car la grammaire articule, lie, ordonne, orchestre les mots de la phrase.
Parce que la vie est un récit. Un ensemble fragile de phrases qui s’empilent. Lorsque l’on en termine une, il faut inventer celle qui la suivra. Le choix n’est pas toujours juste, parfois menteur, parfois aveugle, parfois amnésique, parfois si beau de surprises, ou si plat d’évidences, toujours remplit d’émotions, qui lui donnent sa valeur, ses hésitations et ses doutes et la beauté que l’auteur y a placés.
Toute à la fin, vient la ponctuation. Elle donne le rythme, le tempo. Parenthèse bienfaitrice ou points de suspension insoutenables. Parfois trop lourde. Parfois si fugace.
Tout récit débute par une majuscule. Au milieu de la phrase, on la réserve aux patronymes. Un ornement auquel seuls peuvent prétendre les plus nobles des noms, ceux qui comptent vraiment. Nos morts et nos vivants. Nos lieux contenant de nos corps. Ceux qui forment notre mémoire, dessinent nos chemins, guident nos choix. Tout récit se termine par un point. Final. Et avant ? Puis après ? Le silence…
Ceux qui écrivent ne sont pas gênés du silence, ils s’en nourrissent. Ils ont beaucoup écouté d’abord, appris ensuite, toujours travaillé avec acharnement. Car écrire s’apprend, tout le monde peut écrire. Il suffit de savoir tailler son crayon. La mine de carbone est cassante. La main doit rester ferme, c’est un entrainement quotidien. Alors, seulement on peut prétendre écrire à l’art difficile de la plume. L’encre tâche, indélébile, le crissement sur le papier n’a plus rien du doux murmure du crayon. Le papier buvard absorbe les mots. L’excès d’encre fait des pâtés noirs disgracieux.
Or raconte que les plus belles plumes proviennent d’un oiseau légendaire. Animal sauvage presque misanthrope. Il vit, meurt et renaît sur des cimes inaccessibles. Pays mystérieux et lointaines contrées. Seuls les plus courageux, les plus tenaces osent le voyage. Ceux qui en reviennent, ont vu, mais ne peuvent rien dire. La beauté les a rendus mutiques. Ils observent les nuages silencieux et obstinés, toujours assoiffés de soleil et de lumière.
Leur plume à la couleur de l’or. Sur leurs cahiers coule la prose.
La photo vient après le texte
Car offerte par le hasard
Un hasard
Fugace, rare, symbolique,
Si exceptionnel
Qu’il en crée fiction
Les yeux dans les nuages
La beauté au-delà
Offerte à qui regarde
Alors le hasard devient signe
L’exception fait règle
ce texte m’a coupé le souffle, au sens littéral ! c’est très beau. merci
Merci Marie
merci pour le clin d’oeil Espèces d’espaces !
😉
Perec un jour, Perec toujours!
Merci Géraldine Queyrel, merci.
Merci à toi Hugo!
bien beau texte – mais tu dis « parce que la vie est un récit » mais n’est-ce pas plus nous autres qui en construisons la narration ? Elle, la vie, du récit, elle s’en fiche un peu (pas mal) (il me semble) – en tout cas merci
Merci de ta lecture. La vie se déroule au présent. Le reste n’est que mémoire, teintée d’émotions et d’imprécisions. Ce flou qui fait récit
merci Géraldine, pour les mots les phrases les idées et l’arc-en-ciel par dessus toit et eau.
me vient à te lire une réflexion sur les voyelles et les consonnes… à suivre 😉 !