J’ai douze, treize ou quatorze ans. Les genoux écorchés de l’enfance et le coeur ardent. Je lis tout et partout. La documentaliste du collège lève un sourcil intrigué en agrafant une deuxième fiche à la première qui recense les livres que j’ai empruntés depuis le début de l’année. Je voyage. Je vole. Impossible de me rappeler ce que j’ai ressenti à la première lecture de ce roman. J’aimerais retrouver une édition de cette année là, peut-être parlerait-elle à mes doigts? A mes autres sens. Des années plus tard, je le relis, le décortique. Lecture intime jusqu’à l’obsession pour préparer un concours. Je comprends alors ce qui a pu me plaire autant. L’empêchement et puis la victoire sur l’adversité. L’amour contrarié mais triomphant. Un chemin de croix mais surtout un pèlerinage vers soi. Je le relis et cette fois j ‘en découvre toutes les strates, d’ autres voix auxquelles je n’avais pas accès alors. Cette impression de lire tous les livres en un seul. Derrière l’amour romantique….un questionnement infini. Derrière le vernis des conventions, la révolte silencieuse, l’insoumission, la passion amoureuse, la compassion .L’écriture qui laboure les sentiers de la condition humaine et les chemins du monde, tout cela depuis le cloitre de sa propre existence, forcément limitée. Je l’ai cherché hier et remis à sa juste place…jamais loin de moi.