#1 – #2 – #3 – #4 – #5 – #6 – #7 – #8 – #9 – #10 – #11 #12 et bis
#1 Scène originelle
Lieu – Une seule salle par où on arrive – on y arrive par un couloir. Il faut marcher longtemps au bout de ce couloir un hangar toit en taule. C’est une seule pièce. Celui lui qui squatte là a mis des tapis au sol. Au milieu sur une table immense. De plusieurs mètres. Il y a des coins différents de tables sur lesquelles il y a du matériel : du matériel de dessin de peinture un peu plus des embouches en terre glaise. Des stocks de photos découpées dans des magazines, à côté un écran de projection. Il y a des films tous des films noirs. Des manuels de psychologie, de criminologie…au fond il y a un coin douche salle de bain un vieux casque de coiffure des années 50, des photos de Nathalie Wood, Ingrid Bergman, Gina Lollobrigida, Marie Cardinale, Marylin Monroe. Attenant à cette salle et qui la prolonge, une serre. Des espèces tropicales. Ce lieu ressemble à un lieu de travail. Tout est organisé tacitement selon une logique particulière. Le premier homme , entre dans cette salle. Il ne sait où aller. Il se demande comment se déplacer dans ce lieu. On lui a donné rendez-vous. Mais quand il arrive, il n’y a personne. Il cherche des yeux quelqu’un que par réflexe il voudrait questionner. Mais il se rend compte que c’est inutile. Ce lieu lui impose le silence. Il voit autour de lui les représentants de chaque élément : eau – terre – feu – roche – végétal. Il déambule. Dans cette partie ici – c’est la pierre qui domine. Il avance, là c’est l’élément eau et pendant qu’il se déplace, quelqu’un d’autre arrive. Il le voit traverser l’élément à dominante roche. Des sons lui arrivent : des crissements de cailloux puis un son plus strident. Instinctivement il s’enfonce encore loin dans cette partie de la pièce : eau – un bac transparent plein de coraux. Il s’assoit et il aperçoit un espace un bassin au ras du sol, des nénuphars, il ne l’avait pas vu. L’autre homme est loin il est resté dans cette partie de la pièce il est être pétrifié. Chacun attend mais c’est un troisième homme qui entre maintenant. Il arrive plus vite que les deux premiers, il semble plus pressé. Il traverse le Hangar à grandes enjambées. Il semble savoir il où il va. Dans le fond du hangar, les couleurs chaudes dominent : rouge orange, quelque chose se rapprochant du feu. Celui qui a créé ce lieu a voulu recréer la création. Tout est disposé pour favoriser le déplacement.
#1bis Jokari Un enchevêtrement de routes
Rond-point, puis prendre une départementale, traverser les plaines, les terres cultivées, ici, la surface du sol ressemble à un lac , on dirait de l’eau mais en longeant la terre, c’est que les sarments de vignes sont recouverts d’une matière réfléchissante, rouler traverser encore des plaines rouges – ce sont les coquelicots réfléchissant leur lumière, ici un bois, il faut rouler encore parce que tu dois arriver jusqu’au granges, aux entrepôts à grains, i dit y avoir des meules, le toit d’une ferme, un chien attaché pas loin d’un tracteur, tu continues. Tu prends ici à droite, tu prends ce chemin vicinal enterre, tu roules, tu vas arriver quand le soleil touchera l’autre côté du monde tu y es presque, à l’heure précise où il disparait, tu tourneras la clef du contact. Tu poseras un pied par terre, tu auras le vertige d’avoir tant roulé le vent du soir – c’est une sorte d’engourdissement, tu pers la notion de je, tu flottes là tu es seulement roche, bois et plaine. Ne ferme pas les yeux, ne t’endors pas, étires toi, marche un peu, là-bas le hangar, il n’y a pas d’adresse, pas de nom de route ni de numéro, mais c’est là, tu vas te dire « on ne va pas me la faire », ça existe quand même cet endroit sur une carte ! » mais tu y es déjà, tu es arrivé sans carte et sans boussole dans un lieu sans adresse, au-delà : tu te dis : quels sont les fêlés qui vivent comme ça. Tu fais le tour du bâtiment : tu essayes, parce qu’à un moment, tu ne peux plus avancer : il y a des ronces, et l’orée d’un bois, tu sais que ça continue, mais tu es obligé de rebrousser chemin, regarder la carte ? pourquoi faire, qu’est-ce que ça te dira de plus. Tu regardes autour : personne. Pas un bruit, tu te rapproches d’un rideau de fer à moitié baissé. Tu te dis quand même je rentre ici. Tu te dis ces tracasseries alors, je retourne dans la voiture sur le GPS, mais c’est trop tard. Le lieu t’appelle.
# 2 Lieu
Une femme arrive. Son arrivée à elle est celle d’une somnambule qui déambule sans but, sans corps je peux dire manifeste une sorte de déviance, une errance quelque chose comme ça. Plus rien n’a prise sur elle, et elle n’a prise sur rien, elle arrive au Hangar, fait le tour des espaces et se pose sur une chaise devant la table – Elle flotte. Du Hangar, elle dit : c’est un micro-monde. Les Autres arrivent et s’installent autour de la table avec elle. Ils veulent savoir d’où elle vient. En somnambule, elle explique clairement quelle est sa ville d’origine. Elle ne sait qui habite ici ni pourquoi elle est là, elle là c’est tout. Les autres rigolent. Ils décident de manger. Autour d’eux chaque espace vibre.
# 2 bis Jokari
Comme je l‘ai dit, elle entre ici comme une somnambule. Elle traverse les espaces du hangar presque transparente, elle continue de déambuler, elle se heurte ici à des coins, des angles, elle mesure mal les distances, mais ce qui lui plait ici c’est qu’il n’y a pas de porte. Elle voit de la lumière au fond, c’est la véranda qui se prolonge en serre sur des centaine de mètres carré les éléments sont tous virtuellement là mais jamais en même, cela lui donne une étrange impression de devoir reconstituer artificiellement l’univers habitable, elle de marcher encore non plus elle titube, elle manque d’oxygène. Comme je l’ai déjà dit, d’autres personnes sont arrivées d’autres continue d’arriver, le dernier est encore un homme, petit très brun, avec une barbe, habillé d’un jean très délavé, d’un tee-shirt, on dirait qu’il sort à l’instant de chez lui, chez lui c’est une seule pièce, où il une douche une table, il est de passage, il loue une place il doit être saisonnier quelque part, elle le reconnait ou croitre reconnaitre , comme tous ceux et celles qui vont rentrer, elle a le sentiment de les avoir tous, tous vu quelque part, elle doit reconstituer le lieu où elle les aurait vu. Dans ce lieu, ou le chaos est sur le point de tout faire basculer, brinqueballer à chaque moment parce qu’il est impossible vivre dans ce lieu divisé, mais offrant quand même l’apparence de l’harmonie. Celui ou celle qui habite ici s’est ménagé d’ailleurs des espaces habitables, bien séparés pour chaque tache, pour chaque moment de la journée. Cet endroit a son mystère mais le parcourir ressemble à déchiffrer quelque chose de plus vaste, ce lieu est une énigme et une enquête à la fois. Lieu de la perte de foi et du sens de la direction lieu boussole avec un pôle magnétique obscur.
#3 Celui-ci la touche en premier, il s’avance vers elle d’un pas décidé, Il y là un homme immense, un géant il semble planer encore plus, il est désinvolte, cool, il regarde tout le monde avec un air rigolard, il semble assez à l’aise ici il est dans son élément : l’air, il a trouvé de quoi flotter où se placer où mettre ses grandes jambes. Les autres sont attirés par lui, il doit les rassurer, et puis ils trouvent quelqu’un avec qui parler : ils parlent de leur marque de cigarette préférées, ils échangent des codes ils n’ont pas besoin de raconter une histoire, il savent reconnaitre par instinct de quel quartier ils viennent, ils ont une sorte d’aisance qui intrigue celle qui est arrivé en premier : comment ils sont en contact naturellement, comment il y a de la création entre eux, au moindre échange de regard, c’est étonnant comment en quelques heures, ces quatre se sont déjà fabriqué un monde comment ils ont recréé quelque chose, sur la base de quoi : elle se demande : ils parlent de quoi, de là où ils sont nés ? de comment l’un est entré à l’usine ? l’autre a fait des études d’ingénieur, ou bien autre chose. Ils n’ont pas l’air de s’en préoccuper, peut-être ils le savent d’instinct, peut-être ils se le sont dit, mais alors cet échange aura duré un instant, ils l’ont déjà oublié, ils jouent une comédie alors, elle se dit qu’ils font semblant d’avoir oublié, et qu’il ne faut surtout pas rappeler à ce quatuor quoi que soit, il ne faut pas intervenir. Elle devine qu’ils sont arrivés ici parce que … Elle croit avoir compris que l’un vient d’Égypte vaguement, que l’autre à passer toute sa vie en Afrique, que le dernier est entrepreneur, c’est-à-dire et qu’ils sont dans ce micro-monde ensemble pour réinventer quelque chose. Ils n’ont aucune barrière, ils sont ici libres de croire ce qu’ils veulent.
Le premier on le nomme T. Il revient de loin. Il a passé quelque mois dans le coma. Personne ne pouvait prédire qu’il serait là. Les gens qui reviennent de loin, ils ne le disent pas. Il a eu un accident. Lui ne le dit pas. Mais c’est pour ça qu’il est là. Au début il cherchait à savoir : et puis il a lâché.il s’est retrouvé au hangar. Il était seul d’abord. Le deuxième : il revient de loin. La guerre une guerre un soldat. Il a été gravement blessé. C’est pour ça qu’il est là au hangar. Le troisième il était dans la rue un blessé aussi. Dix ans de rue. C’est ma dernière liberté, il disait. Mais il s’est retrouvé ici au hangar. Le quatrième : il sort de prison. Des années de galère. Un jour il a lâché. C’est pour ça qu’il est là au hangar. Ils ont vu le Géant. Ils se sont groupés autour de lui. Et ces quatre-là autour du Géant, ils ont formé un groupe. Comme je l’ai dit, ils avaient une sorte d’instinct pour se comprendre. Ils attendaient.
#4 Elle est arrivée ici parce qu’on lui avait donné rendez-vous, le même rendez-vous qu’il y a 20 ans. Il y a 20 ans, elle était arrivée ici dans cette même transe, elle pensait ne plus avoir à faire le chemin. Celle qui lui donné rendez-vous serait une sorte de chaman, une enquêtrice de l‘âme, celle lui a donné rendez-vous fait voltiger un pendule au-dessus des têtes ceux qui comme elle arrive ici ont peur du monde : ce lieu est un décalque du Grand lieu autre : le Monde, celui qui arrive ici peut reconstruire petit à petit ces repères. Ils ont organisé cette réunion, tous les fêlés de la vie, ceux qui ont eu à voir l’invisible ceux qui se seraient approché de quelque chose qu’il ne fallait pas voir, comme ce promeneur dans les cercles, il redescendent ou remontent le chemin le parcourent en tous sens pour retrouver un espace à eux vivables : rescapés de sectes, de groupuscules ésotériques pratiquant de divers rites obscur, utilisateurs de substances hallucinogènes, rescapés d’accidents de la route, revenants de toutes guerres, corps et âmes fracassés, 20 ans après ils reviennent
Ce lieu était resté secret : ici des prophètes de disruption, l’œil vide, ils ne percevaient plus que l’angle faux de leurs visions qui maintenant les mangent, tous obnubilés, ils ne savent plus comment oublier. Les Autres arrivent et s’installent autour de la table avec Elle. Ils veulent savoir d’où elle vient. En somnambule, elle explique quelle est sa ville d’origine. Elle ne sait pas qui habite ici ni pourquoi elle est là, elle là c’est tout. Les autres rigolent. Ils décident de manger. Autour d’eux chaque espace vibre.
Comme je l‘ai dit, elle est entrée ici comme une somnambule. Que c’est qui passé cette nuit-là, la première. Et la journée du lendemain. Le propriétaire du lieu a dû arriver. Il est arrivé en pleine nuit, il y avait les 4 autres qui étaient là avant, le géant et les 4 derniers formaient un clan comme je l’ai déjà dit, ils s’étaient constitués en bande. En quelques heures ils formaient un groupe compact indivisible. Ils allaient et venaient entre les espaces et trouvaient naturellement quelque chose à faire. Il n’y avait rien à faire mais devant le tas de revues ou de films on aurait dit qu’ils étaient extrêmement concentrés – et ensemble – sur ce qu’ils faisaient. Les autres allaient chacun pour soi. Quand ils se croisaient, il y avait de la méfiance. Eux – les – 4 premiers n’allaient pas vers le géant, ils étaient comme des doubles, le pressentiment de la suite. Ils cherchaient de la fraîcheur ils se sont réfugiés dans la serre, le soir. Mais rien de confortable. Rien. Il y a avait des pierres comme dans les jardins japonais, ils avaient chaud,ils auraient dû s’étendre dans le bassin.
Elle sort – pour elle, il n’existe que l’extérieur- lever le nez et regarder l’angle du hangar par les yeux de celle pour qui n’existe que l’extérieur – le Géant n’est pas loin, quand le propriétaire est arrivé, le Géant a cru que quelqu’un entrait par effraction, il ne dormait pas, il regardait un film, enveloppé dans une couverture avec son café, pas loin il y a des instruments de musique : un clavier, un sax, des tam-tams africains, un didjeridoo, et des gros poufs. Il s’est faufilé jusqu’à la porte, furtivement, et l’autre n’a pas eu un instant pour reculer et fuir, le Géant était sur lui, le propriétaire a hurlé, c’est moi et il a tellement hurlé que tout le monde dans le hangar s’est précipité hors de son duvet. Parce qu’il était si tard, le propriétaire, n’aurait jamais dû arriver à cette heure-ci. Il savait qu’ils l’attendaient, mais en arrivant devant la grille il aurait pu penser qu’il pourrait les surprendre. Du fond de la véranda, elle n’a pas entendu tout de suite, mais a perçu quelque chose, elle était aux aguets, alors elle a marché vers la porte d’entrée et elle a vu le Géant debout comme une montagne, avant les autres qui criaient et les calmer, d’un geste de la main.
Dehors, on voyait de la lumière et une masse noire dans l’embrasure de l’entrée. On devinait c’est tout, on entendait des pas des sons précipités, on comprenait quand même que quelqu’un voulait entrer, ils se sont mis à défendre leur territoire. Le chaman ne disait rien, il n’a pas insisté, d’abord il rentrait plus tard que prévu, il aurait dû être là. Il a dû croire à une rébellion, il a dû croire. Il s’est assis dans son camion, phares allumés braqués sur la porte d’entrée il a mis les phares dans les yeux du Géant, elle est arrivée aussi. Elle a mis ses mains devant, c’était violent.
D’abord, bruits, et des morceaux de mots, des troncatures, des mots coupés, le début de quelque chose et stop, plus rien, un silence, fallait prendre une décision, fallait que je mais pas de continuum, pas de troisième dimension, penser la troisième dimension, pas de, pas de, le silence – un terrain plat, un vertige, un sentiment de vitesse. Si je l’appelle par un signe de la main, elle s’approche, je ne peux lui dire pourquoi il faut qu’elle vienne ici à côté de moi, j’attends qu’elle tourne les yeux du fonds du hangar. On aurait qu’elle sortait d’un chaos, d’un lieu, qu’elle seule aurait pu voir, qu’elle avait sur elle encore des marques de l’autre monde, d’ailleurs en rigolant on disait tous ça ; On le répétait même tout le temps, et on mettait de la musique pour oublier ça mais ça revenait quand même, alors pour changer, on sortait on allait là-bas, pas loin sur la place, et on s’attablait, on commandait quelque chose à boire on attendait comme ça et on revenait, des fois elle et le chaman étaient dans la serre, on disait rien, on sortait toujours un peu de fric, fallait bien, on revenait avec les provisions, quand on revenait au hangar on oubliait ces histoires de fric, et on attendait un peu, et on se retrouvait autour de la table. La somnambule on l’appelait, et elle nous regardait avec des yeux noirs.Je me dis-moi ça fait dix fois que je viens ici, juste après, on m’avait retrouvé coincé entre des rochers, j’avais reçu des éclats et une balle m’avait transpercée, je ne marchais plus, je voyais plus, je suis resté un moment et j’ai trouvé le Hangar, comme ça je roulais un soir par ici, parce que j’allais voir ma mère qui habite à 30 kilomètres, la nuit, tard, je vois cette forme, le hangar dans la nuit, je me dis tiens je vais dormir là. Ils étaient là, il y avait la fille. Elle m’a parlé, elle m’a raconté sa vie, j’ai un peu oublié, je me souviens juste de ça, qu’elle aussi, avait oublié, qu’elle venait là pour le voir parce qu’il soignait les gens comme nous, je me dis tiens, je vais rester. Je me dis, il faut que lui dise. Je ne sais pas comment je peux rester ici, je voudrais rester ici, j’ai essayé de lui en parler, elle a l’air de savoir, si je passe par là si je passe par là ça ira, je dois passer par cette allée, ça ira, les quatre autres avec le Géant, ils ont l’air d’aller, ils forment un tout c’est tout, si je les approche, si elle est là aussi, ça ira.
Le plus difficile, c’est le premier pas en sortant de la zone, elle me dira c’est ça, en sortant de la zone, t’as pas de plan, tous les plans se valent, en sortant de la zone, il y a des superpositions de plans, pas de ligne de fuite, pas d’horizon, c’est le brouillard, c’est la zone, les ombres sont toutes les mêmes, c’est bien pour ça qu’au hangar, je suis entré, je me suis posé dans le grand fauteuil là-bas, je l’ ai aperçu et on s’est rien dit , elle était sur un autre plan, c’est comme ça qu’elle s’est détachée du fond, je l’ai entrevu, elle s’est évanouie, on aurait dit qu’elle dormait.
#6 L’argent
L’argent est arrivé après. Ils venaient ici souvent au Hangar. Un jour il y en a un qui a voulu aller acheter de la nourriture. Le Hangar, il est fait avec les 4 éléments. Le cinquième, devine, c’est l’argent. Voilà c’est l’intrus. Ils vivaient entre eux. C’est quand il a fallu parler argent, sortir de là… c’était plus pareil. Ils étaient là pour voir le chaman. Il n’y avait pas d’argent. Il avait une autre circulation. Au début l’argent ça ne voulait rien dire c’était des chiffres et encore et même plus raccroché à rien, fallait une envie, et un jour dans le Hangar, quelqu’un a dit faut qu’on sorte de là, le Chaman n’était pas là, c’est plus tard qu’il est revenu la nuit quand on ne voyait rien.
#6bis Chiffres
Dans leur tête à eux, il y avait les chiffres des nombres qui revenaient tout le temps, d’abord c’était aléatoire, ça se pensait pas au début, il fallait faire le lien entre des choses et ces idées de chiffre, ces nombres d’abord, se situaient dans un contexte différent, il fallait faire des comptes, des additions surtout au début, des proportions, et des chiffres arrivaient comme ça sans lien entre eux, quand ça devenait un bloc, on pouvait dire que c’était le prix. Des détails des objets comme un puzzle comme s’il fallait reconstruire une histoire qui n’est écrite nulle part. Au milieu du hangar, ils se sont retrouvé la somnambule au milieu, tous avec le Géant ceux qui avaient tous à se reconstruire eux déjà et dans leur corps, elle passait presque au travers la fille, elle, on ne savait pas – ils voulaient l’embarquer dehors aussi, les quatre ,Ils attendaient. Le premier on le nomme T. Il revient de loin. Il a passé quelque mois dans le coma. Personne ne pouvait prédire qu’il serait là. Les gens qui reviennent de loin, ils ne le disent pas. Il a eu un accident. Lui ne le dit pas. Mais c’est pour ça qu’il est là. Au début il cherchait à savoir : et puis il a lâché.il s’est retrouvé au hangar. Il était seul d’abord. Le deuxième : il revient de loin. La guerre, une guerre – un soldat. Il a été gravement blessé. C’est pour ça qu’il est là au Hangar. Le troisième il était dans la rue un blessé aussi. Dix ans de rue. C’est ma dernière liberté, il disait. Mais il s’est retrouvé ici au Hangar. Le quatrième : il sort de prison. Des années de galère. Un jour il a lâché. C’est pour ça qu’il est là au Hangar. Ils ont vu le Géant. Ils se sont groupés autour de lui. Et ces quatre-là autour du Géant, ils ont formé un groupe. Comme je l’ai dit, ils avaient une sorte d’instinct pour se comprendre.
#7
Un coin de table, c’est cette masse ce poids au coin de la table, c’est un coin de tapis, c’est une partie de ce poêle, c’est un coin de couverture jeté, ce sont des fruits , c’est parce qu’avoir juste cette vision partielle suffit pour donner une impulsion, c’est une porte entrouverte sur une autre pièce, un coin de tableau, ou sur le tableau le morceau de bravoure, un coin d’aile d’oiseau. Le corps lui raconte autre chose, il raconte un déplacement dans cet espace et l’histoire de ce déplacement, le corps évalue les distances, le corps va se déplacer dans cet espace,
Qu’est-ce que ce corps quand il a largué les amarres, le corps est là, il fait des aller et retour vers les objets, ici le corps cherchent à reconstituer quelque chose, des arrangements entre objets, si le corps est parfaitement immobile, c’est le monde qui se soulève, les perspectives se révèlent et se retournent dans le mouvement, elle a déjà parcouru plusieurs fois le périmètre du hangar, elle ne croise personne, au début, sauf le Géant, elle passe par la verrière, les arbustes, les plantes vertes, juste devant l’étang, les pierres façon jardin zen, la pièce est en longueur, elle arrive au coin bureau, un bureau ancien, avec tout le nécessaire pour écrire, une lampe, des étagères, des livres anciens reliés, un tapis persan, il apparait juste quelques boites en acier, contenant elle ne sait quoi, traverse plusieurs lieux avec les mezzanines, des lits superposés, le corps apparait entre les panneaux recouverts, ou peints, le corps se pose sans visage, regarde, prend conscience des espaces,
#7bis
Elle dit : je n’ai a pas assez parlé de cette odeur, une odeur, qui revient , au début, elle a cherché autour d’elle ce qui ressemble à cette odeur, en regardant chaque chose, elle n’en a jamais parlé, parce que l’odeur vient d’un morceau d’elle-même, et elle cherche cette odeur de réconfort, ça sent un morceau d’enfance, ça venaient du dedans, un peu brulée, un peu poussière, qui ne se raccroche pas à une forme ni à une couleur ni à un lieu ni à une personne, une odeur du dedans qui ne semble même pas lui appartenir, qui est là , qui repart, qu’elle ne retient pas…une odeur imaginaire, un mélange, un résultat chimique ? l’odeur de ce qui est chaud, qui s’évanouit, sans pour autant que le sentiment de température ..une odeur qui annonce… une odeur de ce qui a été ensemble, qui s’évapore. Rester dans cette odeur, ce serait retenir une multitude de petites choses, un pli du bras, saisir un objet, crisper la main, le pli des cheveux, l’apparition de quelqu’un, le nuage voilant le soleil un instant et maintenant le soleil reprend sa force maximum et brule la peau, le vent … et tout cela produit cette odeur aujourd’hui, demain ce sera une autre série… Impossible. Impossible à mettre en flacon, impossible d’en fixer la formule…c’est l’odeur du temps, l’odeur des espaces sur elle, sur ce carré de peau dans l’immensité des espaces et des temps, l’odeur de l’infini, qui brule, qui consume, qui se consume, l’odeur d’hier, de jadis, d’un mot clairsemé, celui à inventer des clairières, des bois…
#8 – #8bis
Tous les jours il passe par la remise, il met des gants, il traverse la cour. Sa remise est là quelque part. Il est fin avec une petite moustache. Il marche assez vite vivement, il sort la brouette. Il arrive au terre-plein. Il pose la brouette. Les gants accrochent un peu parce qu’il a de l’antidérapant. Il s’approche du massif de fleurs. Aujourd’hui ce massif. Il désherbe, il a toujours pris soin de prendre les bons outils. C’est donc qu’il prévoit son travail. Il désherbe. Il pioche, il ramasse les feuilles mortes, il élagué il remplit sa brouette. Il soulève son corps, il ne marche pas, il est statique, il met peut-être de l’engrais et comme ça il passe une demi-journée à ça. Le soir tombe il travaille. C’est une silhouette. Et chaque jour, il faudrait deviner son plan de travail et selon quels critères. La saison, les consignes, il fallait comprendre qu’il y avait des consignes, mais depuis le temps les lui donnait- on encore. Ce sont les massifs qui sont venus au-devant au premier plan. Les oranges les Mauves du pistil, les bleutés des ombres, les roses des reflets. Les tiges enfouies sous les feuilles.
La fleur en elle-même existe toujours c’est alors une essence. Et alors lui c’est le jardinier des jours. Mais alors que fait la nuit lorsqu’on ne la voit pas. Elle est toujours complice du vivant, fait que les bêtes s’endorment à la tombée de la nuit, fait que les espèces s’entre-dévorent. Fait que l’oiseau diurne nous regarde, ses yeux jaunes et fixes tournés vers nous.
#9
C’est ce hangar en rase campagne, qui est un élément perçu de l’extérieur, imaginé, mais qu’on ne serait pas surpris de l’apercevoir quelque part par hasard, de façon inattendue, mais à quelle occasion y rentrer, il fallait entrer dans ce hangar, pour voir et ce ne serait pas un lieu banal, il aurait été détourné de sa fonction première de remise ou de lieu de stockage d’abord parce que les marchandises avaient disparues, il aurait fallu savoir pourquoi , si c‘est à cause des provenances des marchandises, parce que les routes commerciales n’étaient plus praticables à cause d’une guerre, où si c’est parce que les détenteurs du hangar avaient cessé leur activité, ou bien si le temps ayant passé, ils avaient déménagé, c’était une autre histoire. Ce hangar, il aurait servi à tout, il aurait été un endroit où des groupes venait peindre et jeter de la peinture, il aurait servi de remise, de point de rencontres pour des bandes de musiciens, des jeunes du village venus faire le bœuf, mais toujours il est là, gris, ancré comme un paquebot immobile dans le brouillard et autour de lui se rappelle des géographies, des banquises, des océans, des dunes, des soleils du matins, des soirs tombants mauves, il reste ancré au large des mémoires de tous ceux qui l’ont approché. On dirait qu’au dedans de ses entrailles de fer, il y a quelque chose qui attend.
#9bis
Ils sont là pour guérir, elle traverse le Hangar en passant par la serre, elle n’a pas vu le chaman, mais elle traverse les espaces, chaque espace a sa dominante : bois, eau feu, pierre, végétal, elle arrive au centre, Ils ont attablé, quatre hommes et en bout de table, un homme plus grand, ses bras se promènent facilement au-dessus de la table pour rechercher le plat de lasagne chaud ou les épices, ses jambes trop longues sont à l’oblique, les quatre autres la regarde s’assoir, ils écoutent le Géant, tout en se servant, il parle fait des gestes immenses pour raconter cet épisode, la fille, celle qui vient de s’assoir croit comprendre qu’il raconte comment il est arrivé ici dans le Hangar, le premier, c’était un jour de tempête, un peu comme cette nuit-là, il roulait en mobile home, depuis plusieurs mois, il s’arrêtait dans les villages, il trouvait quelque chose à faire – son mobile home était bourré d’outils de toutes sortes : il savait tout faire : la menuiserie, la plomberie, l’électricité, il rendait service, dans les fermes, chez les habitants. Il se faisait payer en nourriture, en vêtement, de temps en temps, il fallait bien faire un plein d’essence. Au bout d’un temps, il repartait. Pendant ses voyages un jour il rencontre le chaman, u type avec chapeau, il le rencontre chez des habitants qu’il est venu dépanner – le tracteur en panne. Il le rencontre autour d’un civet de chevreuil. Ils parlent, le Géant lui dit j’ai besoin de rien, mais le chaman lui donne l’adresse du Hangar Cette nuit de tempête, il vient se réfugier au Hangar, il y repense. C’est ce qu’elle croit comprendre. Pour la première fois depuis longtemps, il s’arrête, il devient l’ami du chaman, il l’aide. Il rénove le Hangar, c’est lui qui a installé la verrière, il fait tout le Géant. Il y a de plus en plus de gens qui passent par-là, pour dormir, il faut peut-être agrandir, trouver une solution, aménager des cabanes, faire un potager, récupérer de l’eau, installer un groupe électrogène. L’idée c’est de vivre en autonomie, ce sera une nef, une arche. On y vient pour revivre, on repart, on y revient toujours. Elle croit comprendre aussi que depuis toutes ces années, le chaman a vu venir quelque chose du fond des temps, une chose qui existe petit à petit, une ombre d’abord et que l’ombre prend différents aspects. Il voit maintenant un peu mieux, pourquoi celui que tout le monde appelle le chaman est là. Pourquoi il conserve autour de lui un mystère. Ceux qui sont là ce soir, personne ne pouvait plus rien pour eux, quelque chose c’était cassé, ça ne marchait plus, on les avait un peu abandonnés, tout se déglinguait au début, on ne comprenait pas pourquoi.
#10 Que fait le personnage, pendant que je ne m’occupe pas de lui ?
Il sort une mug portant l’inscription « California, il regarde devant lui les montagnes, il attend un moment, il va vers sa voiture, allume le contact vérifie le plein d’essence, l’eau dans le radiateur, le niveau d’huile, il rentre dans la maison en bois. Il est dans un désert en Amérique, il se resserre du café, il sent le café – sucré deux sucres. Il éteint son ordinateur, il a les cheveux très courts, la barbe rasée de frais. Il allume une cigarette, il a entendu une explosion assez loin, il ne sait pas ce qui se passe, il ressort, il voit des camions passer sur la ligne d’horizon vers l’origine de la détonation. Un vol d’oiseaux. Des sons, un serpent passe sous une roche. D’autres bruits furtifs d’animaux qui ont eu peur. Il regarde le ciel, ça sent la poudre, il y a de la poussière sur le capot., même sur les sièges, il a les mains caleuses, il vient farfouiller dans le moteur, il sent l’essence, il s’en ai mis sur le jean. Ses lunettes de soleil sont posées sur la table, il les attrape. Voilà, il est prêt, il va peut-être rejoindre le narrateur, mais où il n’en même pas idée, il ignore même qu’il existe, il prend avant de partir des dés dans une boite en cuir, quatre dés il les lance, il trouve ça un peu gamin, il se revoit plus jeune faisant le même geste de jeter quatre dés, il a gardé cette manie, il veut savoir si ça lui dit quelque chose, il écoute un disque de J.J. cale dans la voiture, il se dit qu’il aurait du prendre sa guitare. Tant pis, il en achètera une si l’histoire le lui permet, sinon, ce sera une frustration
#10bis Insurrection du personnage
Est-ce que j’existe seulement ? Qui suis-je ? Tu m’as fait oui mais bancal, troué, à plis, mal attifé, de guingois, je suis censé être loin très loin comme par exemple dans un désert, je devrais rouler dans une Américaine, en sirotant un coca, au lieu de ça tu me fourgue dans une bicoque délabrée au fin fond de l’Arizona où Dieu sait où, tu me fais exploser quelque chose qui salit tout, je dois fuir, oui ou bien l’autre fois tu me fais carrément disparaitre ! Disparaitre ! Moi, ton personnage principal ! Tu me mets dans des situations ahurissantes, dès le départ, on sent bien que je ne pourrais pas m’en sortir !!! Tu un genre d’auteur à souci toi !!! Tu voudrais ensuite que j’assume seul la suite de l’histoire, sans que tu ai trop à intervenir, si j’ai bien compris : tu es même allé jusqu’à insinuer que l’intrigue est totalement secondaire, que tu me verrai bien entouré d’autres personnages, mais que tu n’avais forcement le temps de les fabriquer ! Et puis, par exemple, je veux bien être avec d’autres personnages – d’ailleurs j’aime bien ce verbe être – pour être moi, il me faut quand même, le petit bar où prendre mon verre de rouge tu vois, je voudrais savoir moi pour être : la tête du barman, sa musique préférée, le prénom de sa femme, et il me faudrait aussi des dialogues : « Je passe par là et je te demande ce que tu passes en ce moment : la musique ? C’est J.J. Cale, tu me sers un boque, ça me requinque ? Demain c’est Noël, au fait tu es ouvert ? » Figure-toi qu’au troquet j’aurai pu rencontrer Madame …. Elle avait à nous en dire cette soirée de Noël, comment et toute sa vie , où j’aurai rencontrer Monsieur M…. Puisqu’il vient là régulièrement aussi. Bon je reste sur ce verbe « être »… débrouille toi. Pas trop quand même, si je « suis » trop, plus d’histoires… plus d’histoires…plus d’histoires….
#11 J’allais vous en parler
Justement, il m’est venu à l’idée d’écrire un bout de cette histoire, mais juste avant, avant que je n’en parle, avant je ne commence par une comparaison, tiens justement, le pan de mur troué avait l’aspect d’une page de cahier. Avant que ne me vienne simplement l’idée d’écrire une seule ligne, justement, l’idée de la page s’est imposée, une page sur laquelle il y avait des signes. Avant que je n’en parle, le mur en ciment troué ressemblait à une page sur laquelle était inscrits des signes, mais avant que je n’aille plus loin dans le récit de cet épisode, et que je ne compare ces signes à quelques messages en morse, venus avant, avant tout, envoyés par téléscripteur par un devin, le génie du lieu, une conscience éloignée, mystérieuse, la voix de Tirésias, le Tirésias aveugle d’Electre peut-être – avant – bien avant. Avant que je n’en parle, la campagne, quelque part, et une route bordée de peupliers, la grande route encore inconnue. Et cette histoire comme cette route semble ne commencer nulle part, elle arrive brutalement sans doute au beau milieu d’une journée ensoleillée et sans histoire, alors un dimanche sans doute, un dimanche où ils auraient pu y être – déjà -de l’autre côté mais où quelque chose les avait retenu, une journée comme les autres, avant que je n’en parle, avant que je ne commence à chercher le pourquoi – comme tous les matins , tout est en place – rien n’appelle le moindre changement.
#12 Au début, il n’ y a rien
Par où rentrer dans ce royaume ? Vient la sensation de l’espace. Une ligne horizontale. Des lignes de construction verticale. Ici, quelques marches à emprunter – un chemin, mais avant choisir : matin ou soir ? Un matin comme celui-ci, un matin après bien des matins, sans paraitre, sans se douter un qu’un beau jour d’hiver, les fleurs renaitraient, le feuillage du tilleul reverdirait comme au printemps. Par où entrer dans le temps ? Le personnage assis vers le premier plan est éternel, l’homme assis : archétype éternel mais il ne médite pas les yeux fixés sur l’horizon, apercevant deux autres personnages en train d’échanger, sur le forum, peut-être Socrate éternel, tension entre son immobilisme et le vent ramenant d’autres sons et d’autres ailleurs, tromperie du sens de la vue peut-être, interrogation sur les apparences, remontons un peu le regard vers ces marches seulement 5 ou 6 marches menant à l’édifice pour surplomber encore un peu la mer, s’y attarder, le regard une fois sur cette esplanade, après trois promeneurs, regarder devant soi vers le navire toute voile dehors vers le port, vers les fortifications, forteresse défensive à la fois contre l’ennemi envahisseur et la mer. Se protéger, s’élancer, et le retour, l’éternel retour du navire, l’éternel retour de ses personnages semblant revenir en ce lieu ou n’en être jamais parti – ensemble permanence et impermanence, les colonnes tentent un envol mais finissent leur courses en arc de cercle, d’où vient l’envie de rentrer encore plus dans la perspective, d’en déchiffrer le sens abstrait qui gouverne l’œuvre, cela se rapproche d’une harmonie d’un équilibre entre les sens tous appelés, et l’intellect : idée de proportion, l’horizon est lactescent, les nuages porteurs de pluies – l’orage pourrait arriver, peut basculer, bascule vers le spectateur et l’attrape depuis son temps jusqu’au leur. Les herbes folles sur les pierres résistent à tout, temps, dévastation, guerres ; les montagnes attendent l’hiver, il y a de la précipitation et du calme, une attente sereine et un sentiment d’urgence , l’ombre est au premier plan, l’ombre annonce la tonalité sombre mais repoussée vers le bord du tableau, elle est là annonciatrice des ténèbres, l’ombre portée des actions humaines, vers cette mer et ces montagnes imperturbables, une sorte de rideau de théâtre levé sur la mer, qu’y a-t-il encore à conquérir ? Le peintre voudrait dire quelque chose et se tait « Non regardez plutôt ! » Ici tout n’est que songes, imaginations et artifices, produits de son esprit. Approcher plus près de cet autre tableau, vision dite bucolique – de simplicité – de paradis retrouvé ? Comme s’il y avait encore après le cataclysme, ou le passage du temps, la ruine dit-on… parce qu’en ce mois de novembre, le printemps est là, de passage, il a le sentiment que ces tableaux lui sont contemporains, parce qu’il lui semble que les bords viennent se rejoignent et forment une pliure improbable, indécise, une pliure ou un interstice lacunaire et lumineux, mais éternel, laissant survenir, laissant s’exprimer l’infiniment petit de la molécule, en une sorte de regain. Sur cette frange, il lui a semblé que de nouveau tout rejaillirai en éternel printemps, que les édifices des hommes ne refleuriront pas, par manque de temps, alors ils s’arrêtent un moment.
#11bis Portrait du personnage en lecteur
Depuis quand a-t-il pris en main un livre ? d’abord souvent les livres trouvés : les livres d’un cabinet de lecture de quelqu’un qui – il l’a appris plus tard était libraire : Ces livres là n’étaient pas à vendre, tous des livres avec une couverture en cuir, ces livres étaient des livres qu’il faudra lire ! les autres livres étaient des livres de poches, avec des couvertures souples, le premier geste qu’il fait en présence d’un livre c’est regarder la dernière page, l’achevé d’imprimer et curieuse habitude de regarder où et quand il été imprimé, souvent il cherche l’histoire de ce livre son histoire simple, le lieu où il est né physiquement , dans les ateliers de … , il y a un numéro de dépôt légal – l’index, les notes, la chronologie . Bref qu’est-ce que cela peut lui dire de l’histoire de son auteur… ? puis il remonte vers la table des matières. Mais depuis qu’il est parti, il ne lit plus, parce que là où il est, les livres ne parlent plus le même langage …avant, il y avait cette intimité, mais maintenant, quand il entre en contact avec des textes, ce sont des fragments : des pubs, des morceaux journaux, des étiquettes, des horaires de train de bus, …de métro, de bateaux, c’est au hangar qu’il retrouve des livres : des livres d’histoire, des romans, des romans de jeunesse, les textes qu’il aimaient.
#12bis Écorce, mat de misaine et feu de bois
Ecorce écorce rugueuse laissant des traces sur mains caleuses – Rochers – rochers pics et à pics vertigineux– mer sinueuse – sinueuse, avec des creux de vagues – navire engloutis voiles dévastées en charpie en haut le hunier – artimon – mat – misaine – vergue de perroquet – mat de perroquet de fougue – bout dehors de beauprés en charpie : du petit bois pour le feu dans la forteresse sombre, par nuit d’orage et de tempête – tempête had hoc déclenchée par Prospéro – Caliban veille et Sicorax s’est perdue sur un chemin de ronde – nuit et tempête – éclair et forteresse aux murailles hallucinantes – montagnes dominant le personnage sur l’escalier, il est devenu paysage, son dos un désert, en se relevant il ramène quelque chose vers lui. Le vent souffle – des blocs de pierres arrachées dévalent les pentes, au matin un soleil pâle s’extirpe des nuages et des vagues, son aura frêle, se débat pour exister, le froid descend – les montagnes se réveillent blanches et s’étirent plus haut encore vers l’azur du midi. Le personnage qui semblait assis là pour l’éternité a été expulsé par les bourrasques, son vêtement bat comme un drapeau, ses sandales en cuir accrochent le sentier en pierre il lutte pour remonter le vent, des feuilles viennent frapper son visage, il est épuisé par la lutte. Le personnage s’appuie contre le mur. Et s’assoit. Il regarde son double sur la toile filer le long de la crête escarpée. Les vagues maintenant jettent leurs embruns jusqu’à lui, le gout salé le vent asséchant les lames, l’écume, sur la grève, des morceaux épars de bois flottés, signe du naufrage du navire : sur le bord, un radeau chargé de marins, tente une manœuvre d’approche, cris, l’homme agite les bras pour signaler le rivage.