Je n’ai pas assez parlé de cette odeur, l’odeur de la forêt. Quand les grands bois s’assombrissent, l’humidité envoie ses relents acides, les gouttes s’échappent discrètement des moisissures des arbres. Les troncs écorcés, les pierres déshabillées de leur mousse, la terre retournée charrient les cadavres anciens. Le bâton du vieux qui tape fébrilement sur le sol réveille les morts. Je me souviens. Les vagues nauséabondes de l’histoire envahissent l’espace, les heures sombres de la collaboration jaillissent comme un torrent de boue de la brèche des Pyrénées. Il raconte, j’écoute. Les lianes emmêlées des racines dégagent l’odeur âcre des champignons. La fumée des fusils accroche brusquement les narines, les corps des traitres fusillés pourrissent lentement sur le sol. Les vestiges faisandés gonflés d’eau répandent leur fumet mortifère dans la tourbe du sentier. Les pieds gargouillent dans la boue rance, le geai envoie son cri horrifié, la pierre exhale les secrets refoulés.
non seulement l’odeur de la forêt mais aussi celle des secrets refoulés… très veau cette mention finale avec le cri du geai
merci Olivia
Ambiance forte, très bien rendue, l’envie d’en lire plus