André Barrière a soixante-dix piges. Il est comptable de son âge. A soixante-dix piges, il pèse presque 5.000 euros par mois et cent vingt kilos tous les jours. Il dispose d’une retraite plus que confortable. Il touche aussi des indemnités en tant que maire de Saint-Marcou. Oh, cela ne pèse pas bien lourd. Dans les 5.000 on ne compte pas les loyers qui sont destinés à la SCI de ses enfants. André Barrière ne se considère pas comme quelqu’un de riche mais comme quelqu’un d’aisé. Il aurait pu avoir quelques amis au Rotary mais que nenni, il n’a pas d’amis. Il est seul et agit seul tel un barracuda. L’un de ses plus gros budgets, c’est le gasoil qu’il met dans sa voiture. Il en fait des kilomètres. Pour aller chasser quoi ? Personne ne le sait à Saint-Marcou. Il n’a pas de maîtresse mais il va à la chasse. Il aime les grands restaurants, les gastronomiques, c’est son premier poste de dépense. Il aime y aller seul, pour se laisser aller à la réflexion. Il claque fréquemment 500€ dans un repas avec de bonnes bouteilles. Mais tout ceci ne se déroule pas à Saint-Marcou. Il faut aller à Chartres, à Orléans, à Tours ou à Paris pour avoir le plaisir du repas d’un gourmet solitaire.
A la commune, le premier poste de dépense est l’école. Ça sera encore plus flagrant lorsque le budget de l’école des Trois petits cochons sera englouti. Deux millions d’euros pour une école flambant neuve. Et on va mégoter pour 100 euros de bus ou cent euros supplémentaires à une association. 100 euros, 1.000 euros. 10.000 euros. 100.000 euros ou 1.000.000. André Barrière se perd un peu dans les virgules et préfère accorder une grosse somme d’emblée plutôt que des petites sommes qui pourraient être utiles. On y perd notre latin.
Combien coûtent, chaque mois, les indemnités d’André Barrière à la commune ? Il pourrait jouer franc jeu mais il préfère minimiser. Ce n’est jamais assez. C’est qu’il y consacre beaucoup de temps, à la commune de Saint-Marcou. Il n’y est pas de sa poche et quelques sous de la commune reviennent indirectement à la famille. Chaque mois, cela va peser dans les 800 euros de loyer avec le loyer du restaurant. André Barrière n’est pas un philanthrope. Quand il donne, il reprend. Il donne beaucoup de son temps, il gagne pas mal d’argent depuis qu’il a été élu maire il y a quarante ans. Il a eu le temps d’amasser. Chaque mois, la SCI de ses enfants empoche 10.000 euros, entre les loyers et les gîtes. Les habitants de la commune sont sommés d’aller dans le restaurant de Saint-Marcou, de fréquenter le bar-tabac puisque les Barrière en sont les propriétaires et d’aller acheter la bavette du boucher ambulant qui est un locataire de la famille, la camionnette n’étant pas incluse dans le prix du loyer. Tout, à la mairie de Saint-Marcou, est une affaire de famille. Le bâtiment du call center appartient à la SCI des enfants Barrière. 2.000 euros par mois. Toutes les affaires sont intrinsèquement liées. Quant aux locaux de la MAM, ils appartiennent à la commune. C’est l’ancien presbytère. Loyer : 500€ pour 200 m². Karine, la gérante de la MAM, est une copine de la fille d’André Barrière, Muriel. A Saint-Marcou, il n’y a pas que la haie qui forme une barrière.