Dans la semaine, avec gourmandise, je trie, je range, je classe, je distribue dans les boites aux lettres, je trie, je range, je classe, je distribue dans les casiers. J’aime la répétition de ce travail, trier, ranger, classer, distribuer. Aucune lassitude. Le lundi, je trie, je range, je classe, je distribue dans les boites aux lettres, je trie, je range, je classe, je distribue dans les casiers. Le mardi, je trie, je range, je classe, je distribue dans les boites aux lettres, je trie, je range, je classe, je distribue dans les casiers. Le mercredi, je trie, je range, je classe, je distribue dans les boites aux lettres, je trie, je range, je classe, je distribue dans les casiers. Le jeudi, je trie, je range, je classe, je distribue dans les boites aux lettres, je trie, je range, je classe, je distribue dans les casiers. Le vendredi, je trie, je range, je classe, je distribue dans les boites aux lettres, je trie, je range, je classe, je distribue dans les casiers. Le samedi, je trie, je range, je classe, je distribue dans les boites aux lettres, je trie, je range, je classe, je distribue dans les casiers. Et dans la nuit de samedi à dimanche, je fictionne.
Dans la nuit de samedi à dimanche il a fictionné* une ville dans laquelle les artères sont au féminin. Il a choisi une ville dont il avait le plan, a reproduit le plan sans indications, juste les artères. Leur a attribué un nom. Il a aimé les recherches qui lui ont permis de leur attribuer ce nom, le nom d’une femme. Par exemple, qui est Françoise Barré Sinoussi ? Il l’a trouvée dans la liste des personnes ayant eu le Prix Nobel de médecine, prix partagé avec deux autres chercheurs pour la découverte du virus de l’immunodéficience humaine à l’origine du Sida. Et Hypatie d’Alexandrie ? Une philosophe, astronome et mathématicienne grecque d’Alexandrie du 4ème siècle assassinée par des chrétiens fanatiques. Et d’autres encore que l’histoire n’a pas mises en avant. Une nuit de recherches et le dimanche pour se reposer
Dans la nuit de samedi à dimanche, il a fictionné ses personnages, inspirés des habitants de sa tournée. Il les a installés dans sa ville fictionnée en leur donnant une nouvelle adresse. Il s’est amusé à les déplacer, à les confronter à de nouveaux voisins en se servant des petites maisons en bois du Monopoly sur lesquelles il écrivait les noms. Difficile de se donner un critère rationnel, c’est le hasard finalement qui a présidé à leur placement. Une nuit de recherches et le dimanche pour se reposer
Dans la nuit de samedi à dimanche, il a changé le nom de ses personnages. Il a essayé plusieurs techniques. Leur trouver un nom en lien avec leur caractéristique dominante en modifiant l’orthographe ou en lien avec le nom de la rue ou trouver une anagramme satisfaisante de leur nom actuel. Mais après de nombreuses tentatives il a abandonné et choisi de les appeler par leur adresse à quelques exceptions près qu’il nommerait quand le besoin se ferait sentir. Une nuit de recherches et le dimanche pour se reposer
Dans la nuit de samedi à dimanche il a créé des fiches signalétiques de chacun de ses personnages en maintenant l’essentiel de ce qu’il connaissait d’eux. Fiches écrites en deux couleurs. Noir, ce qu’il sait du personnage, vert, ce qu’il en invente. Le vert pouvant être modifié à tout moment en fonction de ce qu’il pourrait apprendre en lisant le courrier. Une nuit de recherches et le dimanche pour se reposer
Dans la nuit de samedi à dimanche, il a choisi l’ordre dans lequel il va dérouler ses fictions. C’est-à-dire, si on se réfère à son journal de bord, il semblerait qu’il veuille écluser systématiquement toutes les adresses de sa tournée en créant du récit sous forme de nouvelles, en suivant un certain ordre. Mais le compte rendu de cette démarche est encore bien obscur. Une nuit de recherches et le dimanche pour se reposer
Dans la nuit de samedi à dimanche il a choisi le 5 de la rue Niki de St Phalle. Il a encore en mémoire l’appartement n° 3 dans lequel il est allé remettre une lettre recommandée cette semaine là. Dans son journal il a écrit : quand Rose a prononcé le nom de leur fils j’ai réalisé que depuis longtemps je n’avais plus de courrier à son nom. J’irai vérifier dans mes dossiers en rentrant. Et cette nuit là il a cherché le fils de Rose à travers ses reportages. Le dimanche il n’avait pas terminé.
*terme emprunté à son journal
J’aime ce texte autour du mot fictionner et vous en remercie.
Je me suis posée la question du pourquoi être passée du je au il ?
J’aimais le je du début dont on se sent proche.
Merci pour vos retours. Le passage du « je » au « il » est un changement voulu lié à la multiplicité des points de vue. J’aurais dû préciser que le paragraphe à la première personne est un extrait de son journal. Merci de m’avoir posé la question. Je n’ai pas eu le temps encore de reprendre la lecture des autres textes ( je suis en vadrouille) mais je ne vais pas tarder à me poser et à venir visiter vos textes. à bientôt donc
Fictionner quelle belle trouvaille ! et ces répétitions que vous installer sont un régal, j’aime beaucoup.
Merci de votre visite et de vos retours. Je n’ai pas eu le temps encore de reprendre la lecture des autres textes ( je suis en vadrouille) mais je ne vais pas tarder à me poser et à venir visiter vos textes. à bientôt donc
Ce personnage facteur ne cesse de nous étonner ! Merci Claudine.
Merci de votre étonnement, il d’égal le mien… La difficulté pour moi étant de ne pas trop m’embrouiller dans la progression du projet. Je n’ai pas eu le temps encore de reprendre la lecture des autres textes ( je suis en vadrouille) mais je ne vais pas tarder à me poser et à venir visiter vos textes. à bientôt donc