La vitesse facilite nos déplacements aujourd’hui, le progrès rend les trajets confortables. Le paysage déferle à toute allure, dans un frigo, soleil brûlant dehors mais fenêtres fermées si l’on veut. Sur l’autoroute, la voie est toute tracée et, avec le régulateur de vitesse, la plupart du temps, on file tranquillement. Dans la vieille deux chevaux grise de mon enfance, les fenêtres latérales sont coupées en deux horizontalement, la partie haute est fixe, la partie basse se rabat vers l’extérieur. Si on roule à cent trente kilomètres heure, fenêtres ouvertes, le bruit est assourdissant. On ne peut plus mettre de musique, il faut choisir. Le vent s’engouffre à l’intérieur, comme une petite tempête. Pour relever la partie basse de la fenêtre de la deux chevaux grise, il faut effectuer un mouvement vers l’extérieur et caler la demie vitre dans l’encoche qui sert à la clipser. Quand les enfants, à l’arrière, contre toute autorité, baissent les vitres et laissent entrer le souffle rugissant, il suffit d’une pression sur le verrouillage automatique central pour remonter toutes les vitres. Ma grand-mère ne parvient pas à bloquer la vitre, elle n’a pas le coup de main. J’ai neuf ans, on circule sur les petites routes de campagne, on traverse une enfilade de villages. On roule moins vite, on explore le monde agricole, on voit défiler le décor. Le pare-brise est constellé d’insectes écrasés qui gisent dans leur liquide jaune. C’est une autre époque. Pour aider sa mère qui ne parvient pas à maintenir la vitre relevée, mon oncle se penche à droite et entraîne aussitôt un coup de volant à gauche. On est sur la voie de gauche maintenant et la voiture qui arrive en face envoie ses appels de phare. Ma grand-mère pousse un cri, l’oncle braque immédiatement. Les ceintures de sécurité sont obligatoires sous peine d’amende. Les véhicules modernes sont équipés d’air bag. On roule vite mais on se sent protégé. Le confort est réglé par l’électronique. On ne se couche pas sur le siège du passager pour ouvrir une fenêtre. « Nous c’est pas grave, mais il y a le petit ». Quand on est enfant, c’est dans le discours des adultes qu’on prend la mesure du danger. On rejoue la scène, elle nous pique par son caractère incongru. Finalement, on regrette surtout les insectes.
Deux films en parallèle, dont l’un en noir et blanc. Une ouverture sur deux mondes. J’en aimerais plus, forcément.
un trajet, deux époques, et derrière des notations précises on voit apparaître des personnages qu’on a envie de suivre.
Idéalement tout ça s’installe dans un ensemble plus vaste. Je chemine lentement, grâce aux conseils de François. Merci Jean-Luc, merci Françoise !
Merci !
ces moments là…