Refermée la lourde et vieille porte cintrée en bois ciré s’ouvre un couloir assez large qui tient lieu de vestibule, baigné dans une pénombre rongée par la luminosité assez faible provenant de l’entrebâillement, immuablement voué à ce rôle semble-t-il, d’une porte percée dans le mur de pierres apparentes à droite. La main droite, tâtonnant derrière un entassement d’étoffes, imperméable pour la couche supérieure selon le contact, pendu, à côté d’un chapeau qu’elle a fait tomber, à l’une des branches d’un perroquet légèrement en avant du mur, appuie sur un bouton ; une applique demi-sphérique | l’idée d’un couloir d’un hôpital ou d’une administration qui aurait besoin d’être retapé | s’allume, vaguement poussiéreuse, au dessus de la porte latérale, caresse les pierres, les autres murs couverts d’un enduit gris très pale, frappe le grand cadre baroque de bois doré et sculpté qui fait face à la source de lumière et le grand collage qu’il enserre, assemblage de tout petits et multicolores fragments d’images qui ne cherche pas à donner le moindre sens mais produit un scintillement vigoureux rehaussé par une petite couche de vernis, rebondit sur les tomettes anciennes qui filent jusqu’à une double porte de bois mouluré occupant presque toute la parois du fond… par la porte latérale légèrement poussée au passage, un meuble de cuisine moderne à paroi d’un rouge sombre et plus loin deux volets entrouverts au dessus d’un évier. La double porte du fond ouvre sur une grande pièce aux murs talochés d’ocre clair face à trois ouvertures dans un mur épais, les deux de droite, vitrées, laissent entrer la lumière assez pauvre du matin descendue dans une cour/jardin, celle de gauche, sans châssis, mêne aux trois pièces en enfilade d’une petite aile, une chambre-bibliothèque au lit en désordre, une petite salle de bains que longe un petit couloir qui donne au débarras/penderie qui suit, ouvert également sur la cour. Un bureau à cylindre du dix neuvième près de la porte à gauche devant une chaise paillée campagnarde posée de biais comme après un départ, une table ronde bien classique à droite entourée de chaises de fer, des fauteuils dépareillés qui ont tous à titre divers, une certaine beauté et unanimement un âge certain, un rayonnage de cerisier contre le mur de droite chargé de vaisselle et de livres au dessus d’un buffet, un bloc tiré d’une grosse souche comme table basse, quelques beaux objets et des couvercles de bocaux en guise de cendrier, la pièce arrive cependant à préserver une sensation d’espace. Par les portes vitrées la lumière du soleil qui monte commence à tracer des cheminements sur le carrelage et un homme vu de dos fume devant une cabane au fond de la cour.
image © Brigitte Célérier
J’aime beaucoup le passage où c’est la main qui nous accompagne dans la visite du lieu. Elle tâtonne, fait tomber un chapeau, appuie, caresse, frappe… Chouette approche.
La présence de la lumière à différents moments du texte me plaît aussi. Comme jamais très loin.
merci Annick (désolée je pars)
Mission accomplie pour ce deuxième opus de l’atelier d’été !
merci… mais suis de plus en plus incapable de trouver temps de vous lire … sauf picorages aléatoires
toujours cette richesse, ce rythme, cet « assemblage »…
:-). merci Françoise
Regard acéré et langue précise
de la « pénombre rongée par la luminosité assez faible » à « la lumière du soleil qui monte » on fait le parcours
merci Arlette
Plan séquence en camera subjective : on pourrait trouver tout et bien d’autres choses dans ce qui suit le « et » de la dernière phrase. Tomber dans l’horreur; la comédie; l’extase…
on ne sait – merci Piero
Multitude de détails et notations qui embarquent dans ce lieu très riche. Beau travail de la lumière
et grand merci à vous