Par SMS, il m’invite à papoter culture. Il écrit « papoter d’éventuels projets sous l’angle culturel bien entendu », comme si je risquais de faire la confusion avec des projets d’ordre textuels, sexuels, événementiels, pourquoi pas papoter culture, c’est mieux que de ne jamais rien en dire. Je lui réponds immédiatement de venir pour le thé à son jour et à son heure, que j’inviterai Amélie la photographe et mon mari, le non culturel. Il ne répond pas.
Papoter culture, c’est quoi, ça veut dire quoi. Papoter : parler beaucoup en disant des choses insignifiantes, ça n’engage à rien, surtout pas à faire. Qu’est-ce qu’il veut ? Prendre la température, savoir ce qui se dit de son action culturelle. Il ne répond pas. Parce qu’il réfléchit? Parce que c’est dimanche? C’est pourtant un dimanche qu’il m’a fait la proposition, beau dimanche comme il dit, on ne dit plus bon dimanche, on dit beau dimanche maintenant. Il sait sans doute que pour moi culture c’est le contraire d’animation et de consommation. Qu’est-ce qu’il veut ? Il sait que j’ai plus d’affinité avec les livres et la pratique d’une discipline qu’avec le tout cuit, le tout maché des spectacles vivants et des bals folk.
Un administratif rend compte à son élu et à mi-mandat les élus deviennent fébriles. Que pensent les électeurs ? Ce n’est plus l’heure des projets, c’est déjà celle des évaluations. Tout va si vite. Pourquoi ne donne-t-il pas suite à la proposition qu’il a lui-même faite ? Manque de temps, autres urgences à gérer ou peut-être n’aime-t-il pas le thé. Dans quel délai doit-on faire une réponse à une proposition ? Moi quand je laisse trainer une réponse, cela me préoccupe. Au pire je cherche une excuse si j’ai changé d’idée, je repousse, je fais une réponse d’attente. Lui ne répond pas, comme l’inconnue qui m’a demandé d’organiser une visite m’a communiqué son téléphone. Puis, plus de nouvelle depuis ma réponse argumentée, mais pas très enthousiaste. Pas de réponse, d’aucun côté. Il ne répondra pas. Ça voulait dire, on s’appelle, sachant qu’on ne le fera pas, mais dans ce cas pourquoi faire long, pourquoi préciser « quand aurais-tu un moment pour papoter d’éventuels projets sous l’angle culturel bien entendu » ? C’est une nouvelle manière de faire, comme beau dimanche, une façon moderne. Il faut que je m’habitue. De toute façon, je prends les choses trop au sérieux. Rien n’est sérieux, il faut s’habituer à cette légèreté des interactions fluides sans consistance, sans importance. Papoter, c’est ça, ça se fait ou ne se fait pas. J’aurais dû comprendre.
« De toute façon, je prends les choses trop au sérieux. Rien n’est sérieux, il faut s’habituer à cette légèreté des interactions fluides sans consistance, sans importance. » Je comprends. Merci.
merci Laurent, de me lire et de comprendre.
un truc qui a à voir avec le consentement – un truc moderne – de nos jours – sournois – je préfère rester dans leur « à l’ancienne » si tu veux, et de loin. Leurs « beaux dimanches » leurs « prenez soin de vous » et leurs « bienveillance » ils peuvent bien se les carrer. Ce que j’en dis…
Merci Piero. Je te reconnais.
Merci Daniele pour ce texte si juste à l’heure du thé.
Merci Clarence. Tu dois connaître !