A l’Orient, la poussière d’or flotte dans l’air d’Anatolie. On peut presque distinguer, surgissant des brumes de chaleur, cette caravane peuplée de roués Levantins, accompagnés un instant de chiens, au passage d’Erzurum, s’enfoncer vers la Perse. Et si l’on sait plisser les yeux en direction de l’Ararat, on y devinera l’Arche échoué du dernier déluge. A la frontière, l’oreille se dresse à la rencontre des langues étranges que sont farci et l’ottoman, en quête de sonorités communes mais hélas en vain. Aucune ressemblance entre ce vocable ouralo-Altaïque qui rassemble en son sein le turc, le hongrois et le japonais et la langue persane, tout aussi indo-européenne que le français et le sanskrit.
Au Sud c’est de la Porte d’Orléans la nationale 7 et bien sûr l’automobile qui file est une 2CV. On n’imagine pas avoir besoin de chauffage en empruntant la route en hiver. Le projet d’aller dans le midi élude l’idée d’une possibilité de froid. Mais c’est sans compter sur le principe de réalité et les bouleversements climatiques. Et si depuis Valence on s’était arrêté sur le bas-côté pour s’emmitoufler d’un plaid, qu’on laissait passer les énormes camions qui éclaboussent de neige les vitres embuées. On tâtonne, on se plaint de la mauvaise fortune, on se désespère un peu, que le froid nous surprenne aussi bêtement ainsi. Puis, à force de s’arrêter boire de petits cafés brûlants dans la chaleur des établissements routiers, on rencontre un homme savant qui dit que le véhicule possède un système de chauffage bien sûr, qu’il faut juste positionner le petit levier comme il se doit et il joint le geste à la parole. Avignon à l’aube est sertie dans une lumière d’or et d’ocres clairs . La vielle papauté dort encore, on l’imitera bientôt dans un lit moelleux, on l’espère.
Au Nord l’Antarctique et ses solitudes glacées, sue le mystère, provoque une poussée d’exotisme. On imagine tous les possibles, des béances obscures, des tunnels s’enfonçant sous la banquise afin de rejoindre une terre creuse et les innombrables poupées russes que sont tous ces mondes imbriqués les uns les autres avec leurs races, leurs mœurs, leurs soleils. Jules Vernes et Lovecraft sont emmitouflés de peaux d’élans ou de caribou ou d’ours blanc. L’un fume la pipe l’autre mâchonne une allumette. Dans l’air pur les aboiements des chiens frais, des Malamute Inuits, des Groenlandais, des Husky de Sakhaline et leurs rejetons Alaskan et le Greyster à poil court.
A l’Ouest Billy le Kid et Jessie James dévalisent des banques, des billets virevoltent encore dans l’air poudreux sous les lourds nuages empâtés de blanc de plomb d’Eugène Boudin. Celui-ci croque une pomme assis contre un tronc, son œil noir ne rate rien des ciels et pendant qu’on y est, s’évade. L’Amérique, la Normandie, la Bretagne, l’Irlande. Des troupeaux de chevaux sauvages défilent à l’amble sur la lande, s’approchent dangereusement des falaises, par-dessus la mer d’Iroise. Puis arrive encore 17h, c’est l’heure du pub. La musique vous hèle tout comme l’avant goût des breuvages amers et moussus. Enfin, depuis la solitude des grandes étendues de tourbe noire , on entend claquer les semelles de ses propres godillots sur le gravier des chemins creux, pile poil au milieu d’une averse et d’un éblouissement solaire. Plaisir dans ce crépuscule occidental, de rejoindre les humains retrouver quelques mœurs ainsi qu’ une tenue.
Comment avec les points cardinaux revenir aux livres aux auteurs et aux souvenirs ? Comme ça, avec un texte truculent et doux, immobile et en mouvement, ça réchauffe !
Merci Catherine !
( le mot truculent me fait toujours rigoler comme le chien de Pavlov bave.)
Il y a toujours des billets de banque qui se promènent dans tes textes d’une façon ou d’une autre. Je te lis avec légèreté et ce passage m’a fait penser à une pub » Jules Vernes et Lovecraft sont emmitouflés de peaux d’élans ou de caribou ou d’ours blanc. » Ton écriture devient plus ludique. Alors j’ose le décalage…https://www.youtube.com/watch?v=1fQTp1qFIP4&t=2s
Merci Marie-Thérèse,
les billets ne sont que dans mes textes,( of course) et pour le désir je devrais mettre plus de religieuses au chocolat, ou au café, dans mes paragraphes, mais le consensus est toujours si difficile à obtenir, j’me tâte 🙂 et merci pour les yétis ça me rappelle de bonnes soirées devant la télé… non j’déconne… l’Alaska plutôt… ou l’Himalaya, le beurre de Yak, Everest Dalton ? Sais plus.