Au centre, il y a ce village qui se cherche un centre, où les lotissements ont remplacé les hameaux dispersés. Des lotissements enroulés sur eux-mêmes sur leurs rues courbes et leurs impasses qui les font ressembler à l’intérieur de la coquille d’un escargot que l’on verrait en coupe, certains même enserrés dans des murs, lointains souvenirs des domaines sur lesquels on les a construits, d’autres juste repérables aux années de leur conception et construction, aux modes qui présidaient alors à l’idée de la maison individuelle avec jardin. Avec leurs haies, leurs piscines, leurs arbres de plus en plus rares, les noms de leurs rues. Du plus loin qu’il s’en souvienne, le village n’a jamais réussi à faire masse autour de son château médiéval, maintes fois remanié, mais toujours habité. Le cœur de village est propriété de la paroisse sur plus de deux hectares, entre le presbytère et son immense jardin et l’enclos des sœurs de saint Joseph, c’est sans doute là que la densité de population est la plus faible de toute la commune hormis les bois et les champs. C’est comme ça et ça n’est pas près de changer.
Du nord au sud, il y a les routes qui coupent le territoire (et même le centre de part en part), les routes nationales anciennes déclassées depuis longtemps en départementales et la plus grande d’entre elles l’autoroute, l’autoroute du soleil, l’autoroute des vacances. Les routes qui ont drainé toute l’activité du village hors du centre, les hôtels-restaurants d’étape d’abord (il n’y en a plus guère, avec la vitesse les étapes s’allongent), les zones d’activité ensuite où vivent des entreprises où personne du village ne travaille ou presque, ils viennent par la route et mangent dans les restaurants ouverts le midi. Il n’y a que les postiers pour connaître toutes les rues ou les livreurs d’amazon.
Et puis il y a la culture, à qui l’on confie le rôle d’animer le village. Les associations sportives et culturelles, les bénévoles, l’adjointe à la culture, les associations des parents d’élèves (les deux, car il ya deux écoles, deux mondes), les classes (vieille tradition beaujolaise de déguisement et de banquet, longtemps réservée aux hommes), les pompiers et ces solitudes qui se frôlent et s’ignorent pour se retrouver de loin en loin autour d’un verre, d’une buvette, d’un cocktail, d’une fête des voisins ou se liguer dans le refus de nouveaux arrivants. Les bâtiments à étage (qui bouchent la vue), les logements collectifs (qui apportent avec eux leur lot de logements sociaux), voilà le vrai danger.
À l’est, il y a quand même un mystère, le grand coteau de l’ancien domaine seigneurial démembré depuis un siècle (seulement) et à peine parsemé de maisons récentes. Le conservatoire des Gamay s’y est établi, dernière trace de viticulture dans un village qui y fut entièrement consacré. C’est vert et paisible, coupé du reste du terroir par l’autoroute, sans chevaux, ni vaches, ni moutons avec au centre un ruisseau. Un bel endroit, où l’on n’accède qu’en passant sous l’autoroute par une rue étroite.
L’urbanisme est une affaire de longue haleine.
L’est parle fiction… on y entre avec un vrai désir après le tour du petit village qui n’en finit pas de se chercher, à suivre encore et encore,