Au nord, Aazhimala Siva Temple Chowara, cette statue du temple de Gandahareshwara, mesure cinquante-deux pieds de haut, près de seize mètres, sculptée il y a quelques années dans l’enceinte d’un temple construit au huitième siècle sous la dynastie Pandya, centre majeur du shaivisme secte de l’hindouisme qui vénère le seigneur Shiva comme une divinité suprême. Ces mots en hindi, une musique qui prête à la rêverie, à la ferveur aussi, se méritent par le goudron chaud à parcourir quand les semelles s’y collent, et que se mêlent les odeurs de friture, des latrines, des épices, de l’essence des moteurs pétaradants. La percée du soleil couchant dans un espace que seul Shiva pouvait promettre entre sa cuisse droite et le mollet de sa jambe gauche pliée, ici le temps semble s’étirer en une danse énigmatique. Les prières, une vibration partie à la rencontre d’autres chants religieux d’autres croyances, en Inde se côtoient l’harmonie des psaumes chrétiens et de versets musulmans, une polyphonie de prières.
A l’ouest l’océan amarré à nos yeux, il suffit de se glisser au travers de la palmeraie, de descendre parmi les cailloux et la terre fine la pente jusqu’à l’église blanche coiffée de tourelles qui se tient sur le sable contre la falaise ; quelques tableaux témoignages des récits bibliques, statues de bois colorées, un autel fleuri, les fidèles sur les chaises, point de vitraux, d’espaces vitrés pour retenir le vent, il balaie tendrement la nef. C’est en malayalam que se chante la messe, les prières s’échappent en volutes sacrées ; l’esplanade de pierre permet aux croyants de l’entendre lorsque l’église déjà pleine respire d’un seul souffle. Ainsi les chants s’adressent à la mer tumultueuse et aux pêcheurs du soir à la lanterne et au filet tendu, quelles que soient leurs croyances. Une pêche à chaque fois miraculeuse.
En allongeant le pas vers le sud se serrent quelques villas roses vertes violettes ou jaunes à plusieurs étages aux rampes de métal travaillé, porte de bois à dorures sculptées, fenêtres aux lourdes tentures sur des terrains plantés de jasmin, d’orchidées, de clématites, de roses, de bananiers et parsemés de déchets modernes, bouteilles en plastique, canettes, papier de bonbons, cotons tiges. Des abris de fortune avec toits de tôles ondulées, tendues de toiles de jute nichés çà et là. Une route de goudron criblée de nids de poules, traversées par des vaches indolentes aux os saillants, mène à la mosquée. Ici les femmes ne portent pas de sari mais une abaya et les hommes sont coiffés d’un chechia. La mosquée, l’appel à la prière nous plongent dans la diversité des croyances.
L’Est de l’autre côté du chemin des échoppes combinées à des logements de fortune, l’atmosphère change radicalement. Des ruelles tortueuses se perdent dans des bois. On y entend le cliquetis des ustensiles de cuisine utilisés par des marchands ambulants. Les femmes en lavant leur linge dans de grands seaux discutent, les enfants jouent à cache-cache entre les abris. Des tailleurs à leur machine à coudre, presque Singer confectionnent des pantalons, chemises, corsages, robes, fidèles copies de modèles confiés par les touristes. Peu de lumière quand la nuit tombe à dix-huit heures trente, quelques loupiotes accrochées aux régimes de bananes se balancent doucement dans l’obscurité.
Texte foisonnant musical et odorant. Une plongée dans un monde singulier et très habité. Merci
Merci Françoise, quand le plaisir se mêle au partage…