Devant la photo d’un gros boudin jaune sur lequel me suis arrêtée dans mon parcours du site présentant la dernière exposition de groupe réunie par un collectif de notre petite capitale régionale je me demande comment Bertrand | il dirait comment nous, il est ainsi Bertrand il nous fait croire qu’il n’est pas le décideur, qu’il a juste émis un idée un peu vague, que nous en aurons la responsabilité, que c’est nous qui ferons les démarches, il est habile Bertrand, il a finalement assez bien mené sa barque sans jamais avoir l’air de s’aider et s’il sait que nous le comprenons il sait aussi que cela ne lui nuit pas |, comment Bertrand choisira les artistes et les œuvres à montrer dans sa galerie si elle existe, sa galerie qui ne sera pas une galerie, bien entendu, il n’a pas cette prétention et puis ce serait trop absorbant, si ce n’est que ce sera bel et bien une galerie, ou comme il le dit une salle d’exposition, pas sa salle d’exposition, il sera juste le propriétaire du lieu, c’est ainsi, il n’y peut rien, il y a ce petit bâtiment au fond de son jardin, et n’est-ce pas il a compris que c’était une idée qui nous était venue à tous. Parce qu’il n’est pas d’ici Bertrand, ou depuis si peu de temps, son enfance ne compte pas, moi non plus au fond, du moins pas vraiment, ou plutôt je ne connais pas les jeunes artistes du coin, qui sont pourtant certainement assez nombreux éparpillés autour de la ville, nés ici ou pas loin ou venus de beaucoup plus loin, d’autres pays, d’autres continents | plus vieux ceux-là | parce que la région est belle et qu’il y a des maisons à retaper, moi je ne connais que les visiteurs du Musée et puis des étudiants, de futurs artisans, deux à vrai dire, qui viennent croquer des meubles ou objets. Je connais bien trois sculpteurs, dans les environs | parce que j’ai eu la chance de rencontrer le plus vieux dans un de ces vernissages où je me laisse entraîner où tout le monde pépie de tout et rien, où tout le monde se connait, ou se doit de connaître tout le monde, où je tourne le dos à tout le monde pour ne pas les re-connaître, où donc je regarde les œuvres puisque c’est pour cela qu’on vient en principe, où parfois quelque chose me retient, j’a eu la chance cette fois là de me trouver à côté de l’auteur d’une installation qui m’avait parue un peu prétentieuse et bavarde, peut-être l’était elle un peu pour repousser les regards trop rapides, et puis pour séduire vite ceux qui ne demandent que ça, il faut bien des œuvres de cette sorte pour ouvrir la voie aux autres mais qui ne soient pas que ça puisqu’elles sont sœurs des plus secrètes, et d’ailleurs c’est parce que justement celle-ci me plaisait de plus en plus et qu’il l’a senti que, tournant le dos encore plus volontairement aux gens, nous avons parlé et qu’il m’a invitée à venir le voir… pour les deux autres ce sont ses amis | ou du moins ils acceptent ma présence parfois dans leur atelier, et si nous ne parlons pas, ou pas d’art, avec un grand A ni même avec un petit comme on disait autrefois pour tout ouvrage ou toute science, je les vois travailler ou je vois ce qu’ils ont fait entre mes visites, et je crois que grâce à nos parlottes de tout sauf d’art je devine ce qu’ils ont mis dedans, qui n’est pas ce qu’ils évoquent dans leurs petits textes écrits avec des commissaires ou galeristes, parce que bien sûr il y a les galeristes, ce n’est pas ce qui manque ici, il doit bien le savoir Bertrand. Il doit penser à Marie-Jeanne, ou Marie-Jeanne pense qu’il compte sur elle. Marie-Jeanne qui connaît tout le monde, ou à tout le moins tout le monde utile, qui saurait, s’il le faut, dénicher et convaincre ceux qu’elle ne connait pas, qui est l’amie de l’attachée à la Culture, qui est certainement, parmi les associations auxquelles elle se dévoue, bénévole d’une association organisant des manifestations culturelles, même s’il est à craindre qu’elle soit surtout une piste vers les artistes les plus connus, ceux que l’on retrouve régulièrement, pas exactement ceux que Bertrand désire pour accompagner les quelques œuvres que Mehdi pourrait accepter d’exposer dans ce lieu après Angers. Puisque bien sûr ce projet qu’ils ont tous en commun selon Bertrand est né de cette idée qu’il caresse… non, il serait préférable qu’ils partent en quête de nouvelles démarches artistiques pour surprendre, ouvrir les amis de Marie-Jeanne à de nouveaux horizons…. peut-être en interrogeant mes trois amis.
(j’aurais bien mis »palpitant » mais ce serait évidemment trop) assez palpitant… (CODA (comme on disait autrefois) fait le pendant de CODM (maintenant))( j’adore les acronymes, notamment celui-ci SFCDT, qui vient de Beyle de Grenoble) (il faut coder). Merci à vous
vais tenter de décoder (et viens de savourer le monologue votre) MERCI
« Caresser des idées » dans une assemblée artiste , tout venant confondu, est une expérience qui mène tout droit à l’inattendu. Mais à force d’user ses fonds de semelles en buffets-petits amuse-gueules salés sous les éclairages tamisés, on finit par tourner le dos aux oeuvres et aux pieuvres avec l’espoir de pouvoir rayer quelques noms sur son calepin.Votre Bertrand le sait et il papillonne pour mieux s’échapper et rattraper les bons coléoptères du soir. Rien ne vaut avoir le privilège de rencontrer les artistes en off dans leurs ateliers et dans les moments sans foule. Cela suppose de vraiment choisir sans peur de ses propres goûts (même inédits). CQFD et vous l’avez prouvé dans ce monologue -portrait.
oui bin sûr, c’est bien le problème quand on ne connait pas encore vraiment les gens de la région