#été2023 #12 | rien d’autre que se haïr

Pour trouver le monologue je pioche à nouveau dans le substrat global, l'enselble de mon récit roman qui a dépassé les 100 000 signes (c'est beaucoup pour moi qui n'ai jamais écrit un texte aussi long). Ce passage est le premier je crois où la narratrice dit je. C'est un genre de monologue, peut-être pas tout à fait...

Le passé ce sont ces galeries creusées d’étages en sous-sols de plus en plus profonds. Des forages avaient lieu certaines dates s’installaient afin de rester dans le noir, d’être certaines de ne pas déranger la circulation de surface. Ce qui passait dessous, cela ne valait pas la peine de le ramener à la surface, des pelletées lourdes de matière poisseuse. Une sorte de terre polluée, des déchets coffrés pour l’éternité. Eva superpose vingt deux ans plus tard un nouveau suicide sur celui du père (biologique) d’Essie. Y. c’est une petite communauté qu’il fait trembler en sautant. Elle s’est distendue, il y a eu la grande époque de convictions partagées, des luttes menées ensemble. Des liens fraternels tissaient des appartenances qui doublaient les liens familiaux. La grande époque de partages s’était distendue avec le temps. Y. ne sentait rien de cette communauté, l’avait-il senti comme moi qui en vient l’ayant substituée à un certain nombre de repères familiaux, m’étant appuyée dessus pour pallier l’absence de ma mère. Il était resté en dehors, un enfant protégé, scolairement brillant, s’enfonçant à l’approche de ses 18 ans dans son mal-être. J’aurais aimé que les liens de nos familles lui soit un horizon, quelque chose qui tient à l’esprit comme un possible, un pays différent. Pas tant un idéal que la conscience qu’à un moment ces liens ont déjoué quelque chose de déterminé, déjoué les fermetures d’où l’on vient, autorisé des percées contre les obligations à continuer le même, la lourdeur des attentes dans la vie rurale, on se mettait ensemble pour agir autour de soi, peser dans le monde, prendre une place dans la société autre que celle d’invisibles, de ceux qui ne décident pas. Non, Y. ne l’a pas sentie ce tissu qui pouvait épauler le présent. L’autre lui-même qu’il devait accueillir avec ses 18 ans, cet autre monstrueux occupant tout le territoire de sa personne, colonisateur et tyrannique, peut-on imaginer, intimant rien d’autre chose que de se haïr dans la guerre contre ce visage détesté, l’impossible tiers régnant sans autorisation.

Eva, P., Essie et moi, nous sommes chacun descendus au 5ème étage du sous-sol ranger le gouffre dans un coffre. Il n’était pas mort, le gouffre du mort. Comme la pression augmente par fermentation dans un bocal fermé, le gouffre gondole. Des zones de recherche ont percé progressivement la surface, telles des piqures se répandant dans tout l’organisme de notre vie. Une substance étrangère s’introduit et transforme notre présence, nos urgences. C’est le gouffre qui gronde. Le produit se répand en s’altérant, jamais la recherche n’est vraiment située sur l’objet précis du trou, mais à côté, différée.

A propos de Nolwenn Euzen

blog le carnet des ateliers amatrice de randonnée (pédestre et cycliste) et d'écriture, j'ai proposé des séjours d'écriture croisant la marche et l'écriture, et des ateliers deux livres papiers et un au format numérique "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue revues La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune...