J’ai tordu la proposition pour poursuivre sur mon projet. Je ne sais pas si cela fonctionne mais j’ai résolu un problème : comment imbriquer mes allers retours dans le temps. Les propositions tombent souvent au bon moment.
Sur sa gauche une porte entrouverte laisse apercevoir un comptoir, des étagères recouvertes de poussière, une dizaine de tables camouflées par des draps et une banquette défraîchie. Camille discerne à peine la pièce éclairée d’un unique rai de lumière échappé des planches de bois qui condamnent la fenêtre. Elle fixe l’obscurité, le cœur battant : vous teniez un café ? Je suis à la recherche d’un café. Elle parle vite : d’un café et d’un hôtel. Mes parents y ont séjourné il y a quinze ans.
Oh, on a fermé, tu n’étais pas encore née ! répond la vieille dame amusée. Ce que tu cherches n’est pas ici.
Elle pourrait lui parler de cette nuit de 19… Avec son mari, ils avaient laissé partir les derniers clients et refermé la porte-fenêtre derrière eux. Puis ils avaient recouvert le mobilier de draps blancs, décroché la pancarte « débit de boisson », avant de fixer les hauts volets de la devanture. Assis l’un près de l’autre derrière le comptoir ils avaient laissé filer les jours s’habituant peu à peu aux bruissements du silence et au grincement des parquets.
Elle pourrait aussi lui raconter les belles années, lorsqu’au retour des promenades, la porte de l’auberge happait les allées et venues, son carillon de fer gris sonnant sous le courant d’air. C’était une nuée de visiteurs d’un jour ou de plusieurs nuits, de visiteuses aux cheveux lisses venues danser ou boire un thé. C’était la pluie qui faisait s’engouffrer des couples venus se réchauffer. Ils tapaient à la vitre ou au volet sans attendre l’invitation à entrer. Les jours ensoleillés, dans l’allée ou près de la rivière, ils discutaient et riaient, se cachaient derrière la cabane une bouteille dans une main, un verre dans l’autre. Ils se perdaient au dehors et sur l’horizon. Le vol des goélands et les rafales de vent emportaient les rêveurs des chaises longues vers d’autres jardins. Une liberté éphémère qu’ils saisissaient sur le pas de la porte.
Mais elle n’en dira rien. Elle laisse au passé le souvenir des rires et de l’insouciance.
super ! trouver comment imbriquer les allers retours dans le temps, c’est pas rien ! Bravo !