On ne me cerne pas encore entièrement. On me façonne à tâtons. On se questionne, on me questionne. Pourquoi être partie de mon île ? Pourquoi faire une étape dans cette ville ? Pour trouver d’où je viens ? A qui je ressemble ? Oui, sûrement. Tout au fond de moi, sûrement. Mais on se perd. On avance et on recule. On réfléchit sans oser se lancer. On ne sait pas par où débuter. On me pense trop timide pour entrer dans cette maison, y revenir, insister, m’y inviter. On me perd sur des chemins blancs, dans un tourbillon de fêtes. Indépendante et fragile, têtue et émotive mais aussi attachante. On me confectionne un scénario alors que je ne sais pas moi-même ce que je ferai demain. Laissez-moi et suivez mes pas.
On me décrit fragile mais je ne le suis pas. J’aime avoir du monde autour de moi. J’aime être active, m’occuper. J’aime tourbillonner alors que l’on m’assoit dans un fauteuil dans le jardin d’hiver sans m’en faire sortir. Questionne-moi ! Allez ! Pourquoi rester dans cette maison qui semble inhabitée ? Pour les moments où la famille revient ? Parce qu’elle porte un secret ? Pourquoi attendre ? Parce que l’attente est douce. Parce que pendant ce temps d’attente je plante, j’embellis le jardin. Parce que ma place est ici. Parce que j’aime le présent. On veut me faire parler du passé mais il m’effraie. On veut me faire peur à nouveau. Me faire revivre des moments d’inconnu où toute la fratrie a été éparpillée. C’est ici que l’on se rassemble.
Je suis une femme étrange, on a même employé le mot de sorcière. Je me suis invitée dans le récit et mon rôle grandit. On s’en rend compte mais on ne perçoit pas encore tous mes traits de caractère. Parfois curieuse et bavarde, parfois gardienne de secrets. Mais je sais garder ma langue et révéler juste ce qu’il faut pour attiser l’attention. Je me cache des regards et je vois tout. On a peur que je fasse de l’ombre à A. Car elle est la préférée. Elle, je l’aime et l’envie. Saura-t-on me laisser de la place dans le récit ?
On m’a cru mort, on m’a ressuscité. On ne sait pas quoi faire de moi, je le ressens. Je suis comme fantôme. On me décrit taiseux et inquiet. Je peux le comprendre. Mais me pose-t-on des questions, m’interroge-t-on sur mon potager, sur ma vie, sur ce que je ressens en tant que malade, à tourner en rond dans la maison ? Est-ce que l’on prête attention à mes jeunes années ?
C’est incroyable comment tu t’empares de cette proposition pour interroger tes personnages. J’aime bien ton : Questionne-moi ! En fait ça donne une autre dimension à l’exercice qui permet à l’auteur d’avancer. Super !