Le chœur des femmes pyrénéennes
Qui est-tu étrangère ? Quel est ce statut de scribe de la mémoire que tu revendiques ? Nos coutumes ne sont pas écrites et nous n’avons jamais eu besoin de quelqu’un pour le faire. Notre tradition est transmise oralement depuis plusieurs siècles. Nous ne voulons pas de scribe. Notre langue est l’occitan. Ta langue pointue n’est pas celle que nos ancêtres ont parlé. Tu trahis les mots qui portent ce que nous sommes. Nos histoires sont de vieilles histoires, elles appartiennent aux montagnes, aux vallées et aux forêts ; elles ont traversé le temps. Des récits forgés à travers les siècles sortent de nos bouches comme les pierres d’argent dévalent le lit des ruisseaux printaniers. C’est un chant porté par le vent, qui résonne dans la terre, aussi pur que le bêlement frêle de l’agneau nouveau-né qui appelle sa mère. Nous sommes la mémoire collective des vallées diffusée par le bouche à oreille, assemblée dans le chant qui résonnera seul sur la scène du monde. Ton récit couché par écrit, dépossédant les anciens chœurs, est cousu d’un fil trop fragile. Nous voulons condamner ces écrits serviles, inventés de toutes pièces par une main étrangère venue de lointains plateaux. Notre univers s’arrête aux crêtes de la vallée et le bruit de la ville ne troublera pas notre chant. Car autrefois, dans notre village là-haut, l’herbe était toujours verte, la terre était fertile, et jamais l’eau ne s’arrêtait de couler dans les torrents.