Je ne suis pas celle qu’on raconte, elle dit. Celle qu’on s’amuse à décrire. Je ne suis pas quelqu’un de risible et de pitoyable. Je ne suis pas cette femme-là, elle dit. Elle dit encore, on dirait que ça plaît de faire de moi un personnage naïf, toujours à côté de la plaque. Mais ça, elle dit, c’est une image, une image qu’on construit de moi. Et ça, elle dit encore, c’est pas mon vrai moi. Peut-être que certaines choses sont vraies dans ce qu’on dit, elle dit, peut-être. Mais peut-être qu’en même temps tout est faux, tronqué, amplifié, déformé. Alors je demande, elle dit. Je demande qu’on s’intéresse à moi, à mon vrai moi. Je demande que quelqu’un, une seule personne prenne la peine de me découvrir. Ce qu’elle apprendrait, elle dit, c’est que je ne suis pas comme ça. Pas cette personne là. Mais si personne, si personne ne vient assez près alors de quel droit, elle dit. De quel droit on fait ça, parler de moi comme ça. Elle regarde autour d’elle. Elle pose un regard autour d’elle mais tout est vide. Elle tourne sur elle-même, plusieurs fois, elle ne voit rien, rien que du blanc, un vaste écran blanc. Puis elle se remet à parler, mais très bas, on l’entend à peine. Ce qui importe, elle dit alors, c’est pas ce qu’on dit, c’est la façon de dire. Ce qui importe, elle dira encore, c’est le regard qu’on pose. Alors s’il vous plaît, elle chuchotera, s’il vous plaît. Pourquoi me regarder comme ça. S’il vous plaît. Me regardez pas comme ça. Et le chapitre s’arrêtera là. L’auteure s’en tiendra à ça.