Quand elle ne va pas en classe ou qu’elle ne rentre pas chez elle pour manger ou dormir, Julie fait de la randonnée. Elle marche une heure par jour quand elle n’est pas assignée à ses tâches en classe ou ses tâches ménagères. Elle marche autour de la haie de Saint-Marcou. Quand elle ne marche pas, elle apprend à reconnaître les plantes et les insectes qu’elle trouve autour de son parcours. Si elle avait plus de temps, elle ferait de la photo de nature. Mais elle est accaparée par les enfants et ne s’appartient plus à leur contact.
Elle aime le sentier de l’écomusée de la haie et le sentier côtier de Riantec où elle se rend à chaque vacance. L’iode lui ferait-il de l’effet ? Elle vient de retrouver son odorat au bord de la petite mer de Gâvres. C’est la Toussaint et elle est revenue en pèlerinage à Riantec. Et, comme elle le dit souvent : ça sent bon la mer. A Riantec, elle est loin de tout, de ses phasmes qu’elle a laissés chez une ATSEM de maternelle. Elle est loin de ses soucis et proche de ses réalités. Elle voudrait venir mourir ici. Ça, elle ne l’a encore dit à personne, pas même à Sébastien qui sait à peine qu’elle apprécie le sentier côtier sur lequel elle aime marcher. Vacances, j’oublie tout disait la chanson des années 80. Elle le vérifie encore maintenant.
C’est la Toussaint et elle s’est rendue sur les tombes de ses grands-parents avant de partir. Cela faisait au moins trois ans qu’elle n’y était pas allée. Elle n’avait plus le goût des cimetières mais elle s’était sentie à l’aise devant la tombe de ses grands-parents. Elle s’était sentie remplie, pleine du sens de ses ancêtres. Elle n’avait jamais compris sa grand-mère maternelle mais elle avait voulu devenir instit comme elle a toujours rêvé le devenir alors qu’elle n’avait aimé aucun de ses enfants, à part son fils. Elle aimait ses petits-enfants. Elle aimait Julie et elle m’aimait moi. Elle avait fondé quelques attentes. A Julie la carrière d’instit et à moi la carrière de saltimbanque comme elle appelait ma mère. Je n’ai pas vu Julie se rendre sur la tombe des grands-parents mais je l’ai imaginée après avoir remarqué qu’elle avait déposé des dahlias, la fleur fétiche de notre grand-père. A-t-elle pris la mesure de ce qu’ils nous ont apportés ou non ?