Julie est dans sa cuisine pour un déjeuner sur le pouce mais réparateur. Sa cuisine donne directement sur le jardin, à l’arrière de la maison. Oh, le jardin n’est pas très grand mais il y a de quoi faire des cabanes en bois près de l’ancienne voie ferrée qui avait son emprise sur le terrain de Julie, mais en contrehaut. Les cabanes en bois, les acacias, la voie ferrée, autant de souvenirs qui lui rappellent son amie Isabelle, sa copine de primaire chez qui elle se rendait lors de mercredis après-midi inoccupés. Il y avait de quoi s’ensauvager chez Isabelle, à jouer aux Indiens, à la Petite maison dans la prairie, à Tom Sawyer avec Jean-Marc et Bruno. Pas de cow-boy chez Isabelle, juste des Indiens qui usaient de tactiques de sioux pour construire des tipis avec des rondins de bois. Et puis il y avait le pop corn aussi qu’on faisait éclater dans la casserole en verre. La cuisine d’Isabelle ne ressemblait pas à la cuisine de la Julie de 2008. Toutes ces réminiscences à l’heure du déjeuner. Ses enfants mangent chez la nounou pendant qu’elle fait une pause avant de reprendre le travail. Julie n’a jamais quitté le monde de l’enfance. Elle avait quitté une école pour en rejoindre une autre. Elle avait quitté des tipis en bois pour rejoindre les cabanes en bois qu’elle réalise aujourd’hui pour ses enfants. Sa cuisine est un espace pour cuisiner, pas pour s’y restaurer. Pour se restaurer, il y a le séjour qui donne sur la cuisine kitchenette. Il y a un mur de séparation, un bar à l’américaine. C’est attablée au bar que Julie se restaure. Elle se dit qu’elle aime son mari, en toute sincérité. Elle est plus circonspecte sur l’amour qu’elle porte à ses enfants. Peut-être un amour trop dévorant avec lequel elle compte prendre ses distances. Elle est restée la fille de ses parents. Aujourd’hui, elle a des responsabilités mais elles sont partagées avec son mari. Elle n’a pas vraiment quitté son enfance qui traîne derrière elle. Elle avait appelé ses garçons Lisandre et Pierrot. Si elle avait une fille, elle la prénommerait Eugénie. A cause d’Eugénie Grandet ? Non, à cause de sa voisine d’enfance, cette Eugénie Léger qui lui donnait un bonbon à chaque fois qu’elle amenait des déchets pour ses lapins.
Avec Tom Sawyer, il y avait Huckleberry Finn. Julie, quand elle était petite, aimait beaucoup Huckleberry Finn mais elle avait très peur de Joe l’indien. Avec ses cabanes en bois de 2008, au fond, elle joue un peu à Tom Sawyer. Elle n’est pourtant pas Becky. Elle s’imagine en Mark Twain. Comme moi, Julie avait elle aussi envie d’écrire des petites histoires pour amuser ses enfants et ses élèves. Elle se dit qu’elle en écrirait bien avec ses phasmes. Elle veut faire du real writing. Elle veut parler de cette ligne de chemin de fer, de ce tracé qui passe derrière sa maison en contrehaut. Il y a des acacias désormais sur cette emprise et des vipères que les renards mangent à la nuit tombée. Il y a Lucie aussi à laquelle Julie pense de temps en temps. Cette célibataire qui n’a pour seule attache que son chat vieux de 16 ans. Elle se dit que cela aurait pu lui arriver si elle n’avait pas rencontré son prince charmant, l’homme avec lequel elle a voulu faire des enfants. Non sans un peu de mal, il faut bien l’avouer. Il ne lui manque désormais que la troisième, la petite dernière, qui ne veut pas venir. Ce n’était certainement pas encore le bon moment. Peut-être qu’il faudrait que Julie rêve d’être la tante de Tom Sawyer et non Mark Twain. Elle n’arrête pas de penser à ce dessin animé qui avait bercé son enfance et qu’elle regardait avec son petit frère Pierre. Aujourd’hui, tout est changé à part les cabanes en bois qu’elle avait construites avec son mari pour que ses enfants puissent se cacher comme bon leur semble à l’arrière de leur terrain. Et il y a cette ligne de chemin de fer qui mène à Bordeaux alors qu’on est dans le Perche. Elle aurait pu mener à Rennes ou au Mans. Mais non, elle emmenait tout son petit monde à Bordeaux Saint-Jean, terminus. Julie rêve de petites destinations aujourd’hui. Elle se dit que cette ligne de chemin de fer pourrait l’emmener à Chartres ou à Illiers. A la place désormais, il y a un Transbeauce qui traverse le Perche, et plus particulièrement le Perche-Gouet. C’est dans ce Perche-Gouet que Julie est implantée, comme dans une réserve d’indiens avec des tipis et des cabanes en bois. C’est ainsi que Julie s’imagine : comme une Indienne à laquelle on consacre un bout de terre pour qu’elle puisse vivre, enfin pour qu’elle puisse vivoter à sa convenance. Elle aime la nature, Julie et elle s’intéresse aux chamans. Joe l’indien n’était il pas un peu chaman ? Aujourd’hui, elle brave sa peur de Joe l’indien pour réaliser son rêve : vivre au plus près de la nature, sans rature.
je découvre Julie, seulement maintenant
et avec elle « les cabanes en bois, les acacias, la voie ferrée… » et les rêves…
à poursuivre la lecture en remontant !…
Merci Françoise d’être passée par chez moi et d’avoir laissé un petit commentaire. Je suis passée par chez toi mais je ne suis pas assez experte pour y laisser un commentaire. J’y vais dès que je le peux car c’est une belle ambiance dans tes textes.