Julie se fiche de plaire ou de déplaire à André Barrière. Il est midi et elle est rentrée chez elle pour déjeuner, une fois n’est pas coutume. Elle se saisit de son assiette sur laquelle est peinte une tête d’hortensia blanc. La fleur est blanche mais les feuilles et la tige sont vertes. La tête d’hortensia est ronde, les feuilles sont pointues et forment une corolle autour de la fleur. Cette tête d’hortensia a été peinte au centre de l’assiette. Sur le pourtour de l’assiette, une frise avec des motifs de feuilles et de fleurs, plus petits, qui ont été dessinés dans un camaïeu de verts. Une assiette classique pour une jeune femme qui n’aime que le contemporain. Mais Julie aime la vaisselle dépareillée. Ses assiettes, ses verres et ses couverts ne sont pas identiques. Ils sont tous rigoureusement différents. Ainsi, Julie a l’impression de casser la monotonie et la routine inscrite dans son emploi du temps, mais pas dans ses déjeuners et ses dîners. Sur l’assiette, elle place une feuille de saumon fumé et un peu de salade. C’est totalement raccord avec son assiette. Quand elle utilise sa vaisselle, Julie fait des accords mets/vaisselle. Elle ne se rappelle plus où elle avait acheté cette assiette « made in England » de la Royal Horticultural Society. C’est une Applebee collection. Sûrement un cadeau de sa mère qui aime les fleurs puisqu’elle était horticultrice. Mais Julie est fâchée avec elle maintenant. Julie ne s’était pas encore posé la question de l’avenir des cadeaux de sa mère. Que va-t-elle faire de tout ça ? Va-t-elle casser cette assiette à la russe une fois le saumon fumé et la salade mangés ? Non, elle a plutôt envie de la garder, cette assiette so british ! Made in England ? Mais où sa mère avait-elle bien pu dénicher cette assiette-là avec cette tête d’hortensia si épaisse et si fine à la fois ? Ce n’est pas une assiette en porcelaine mais c’est une assiette en faïence assez épaisse. Elle aurait pu être grossière mais elle exprime le raffinement à la sauce worcestershire sur laquelle on mettrait bien une tranche de rosbif et des pickles made in England eux aussi.
Une assiette fleurie entre Julie et sa mère, c’est toute une vie qui se (re) dessine tout d’un coup dans votre savoureux texte de vaisselle dépareillée… Comment raccorder le contenu et le contenant d’un point de vue gustatif ou esthétique… et pire comment peut-on réconcilier un ventre de mère et un ventre de fille puisqu’on semble avoir renoncé ( in extremis ?) à casser la vaisselle familiale ? Votre histoire me plaît terriblement et je me demande ce qu’André Barrière en pense et surtout ne vient pas faire dans cette cuisine ou cette salle à manger ou ailleurs…( je n’ai pas encore lu votre # 8) .On ne sait pas où elle mange à midi Julie dans sa vaisselle vintage… C’est une femme moderne qui « court toujours… ou presque »… Elle donne envie de la faire asseoir pour papoter autour d’un menu british fashion… Je suis soulagée qu’elle l’aime , tout de même l’impression cette assiette d’horticultrice ( l’ hortensia est une noble plante qui aime la demi-ombre et l’humidité mais qui rayonne au soleil du soir ). S’il lui prenait l’envie de la casser ou de l’oublier, je pose ma candidature pour récupérer cette assiette sans doute historique et raconter une histoire d’assiette(s) avec… Beau mois d’août à vous ! Merci pour la spontanéité de ce texte plein de trépidance…
Merci Marie-Therese d’avoir lu ce texte si attentivement. C’est un plaisir de lire votre commentaire. Je ne sais pas encore comment tout ceci va s’enchaîner avec du Stephen King à l’horizon. On verra bien