Elle est partie sans. A reposé le tissu d’essai brodé là où elle l’avait pris après l’avoir replié. Pourtant il la concernait. La porte était ouverte, comme chaque fois que je suis là, à mes moments perdus. Je l’ai reconnue dès qu’elle est entrée. Visage d’avant, corps hésitant, un sourire triste et pas envie de parler, c’était écrit dans sa manière de se tourner vers moi puis vers les objets. Elle cherchait quelque chose, comme une précision, comme un signe que l’espace dans lequel tout s’accumule depuis si longtemps allait fabriquer à son contact. Sans doute une image d’elle-même comme tous ceux qui entrent dans l’entrepôt. D’abord, je n’ai pas bougé, pour ne pas la heurter et ai fait semblant de poursuive le nettoyage de l’album. Quand elle a pris le tissu d’essai, je me suis approché, il fallait que je lui dise. J’aurais peut-être dû me taire, elle n’avait pas besoin d’explication. C’était certainement bien trop lourd à porter pour elle. Ou encombrant. Ou alors elle a eu peur. Elle m’a remercié et en repartant s’est arrêtée près de la lampe de mineur qu’elle a touchée, soupesée, reposée elle aussi. Après son départ, j’ai vu que la malle était ouverte et la boite de fils à l’intérieur aussi. Manquaient quelques bobines, quelques couleurs : noir, gris de Payne, blanc cassé, vert. Elle s’est servie, c’est ce que je voulais. S’est débrouillée pour prendre les bobines sans que je la voie. J’aurais bien voulu savoir ce qu’elle allait en faire mais je suis trop curieux, ça me mine. Avant de partir à mon tour, j’ai fait le même circuit qu’elle à l’intérieur, mes pas dans les siens. Pour que plus personne n’entre, j’ai fermé la porte avant d’ allumer la lampe de mineur. Eclairage à l’acétylène. J’ai soulevé par son crochet le petit phare, ai marché dans l’entrepôt comme font les visiteurs clandestins dans les catacombes. La petite lumière transportée soulevait de longues ombres changeantes. J’ai pensé aux âmes des objets qui retrouvaient la grande malle noire de la nuit dès qu’ils n’étaient plus pris dans le halo de la flamme. J’ai pris l’essai brodé, ai admiré une dernière fois le tremblement des peupliers, la passagère en fuite dans le halo. J’ai tout remis dans la malle qui s’est éteinte, une fois refermée, en même temps que la lampe de mineur.
J’aime les histoires qui cousent. Toujours un bon fil à tirer. À reprendre. À repriser. C’est inspirant. Et puis aussi, à quel point c’est difficile de se parler de rentrer en relation avec les farouches.
une boutique, on suppose… la porte était ouverte, alors je suis rentrée, je n’ai pas su ce qu’était un « tissu d’essai », question de tissu, de broderie, donc de fil à tirer comme dit Emmanuelle… alors à pas de velours j’ai emprunté aussi les mêmes pas jusqu’à la malle à trésors avec une idée en tête, qu’est ce que je vais bien pouvoir emporter dans ma poche ?
belle visite chez vous, Christine