Mathilde est enfin installée dans le fauteuil. Douglas lui a avancé un tabouret avec un coussin sur lequel repose la jambe au genou blessé. Il est parti téléphoner, il faut l’avis d’un spécialiste. Il consulte les numéros affichés à la réception de son hôtel, celle que les clients trouvent sur la porte intérieure de leur chambre. Finalement il suffit d’appeler le 15 ! Il explique “oui je tiens un hôtel, une cliente est tombée dans l’escalier, elle se plaint du genou droit, ne peut pas le plier.”. Vous me dites qu’il faut que je l’emmène aux urgences, c’est le plus simple… ». Il raccroche, il y avait bien pensé aux urgences mais ici il n’a personne pour le remplacer à la réception, il va falloir fermer. « Bon je n’ai pas le choix, c’est ce que je vais faire. J’attends des clients en fin d’après-midi. Il est 9 h, j’ai le temps et je le prends ! L’imprévu a quelque chose de stimulant, il se sent en adrénaline, il y a bien longtemps que ça ne lui est pas arrivé. Il pense, concrètement, je vais garer ma voiture devant l’entrée. Je vais tenter de pousser le fauteuil et le tabouret en même temps dans le hall jusqu’à la porte. C’est du parquet mais il est déjà rayé, bien patiné, donc pas de souci de l’abîmer. Mathilde est un poids plume, le fauteuil est plus lourd qu’elle. Le plus difficile va être la descente des trois marches qui séparent le seuil de l’entrée au trottoir. Il faudra qu’elle se tienne la jambe en l’air, plus question de la garder posée sur le tabouret. Là je la prendrai dans mes bras et j’irai la poser sur la banquette arrière de ma voiture. Il faut que je pense à avancer le siège avant passager au maximum pour laisser de l’ampleur à la manœuvre. Elle se mettra à l’horizontale, elle occupera toute la banquette arrière. Le plan étant établi dans la tête de Douglas, il retourne vers Mathilde. Elle semble somnoler, mais il aperçoit une larme qui perle aux bords de ses cils recourbés. D’un revers de main, elle étale cette larme sur le haut de sa joue, ouvre les yeux et fixe Douglas d’un air interrogateur. Il faut que je vous emmène aux urgences. J’ai eu le 15, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. On y va tout de suite, le temps que j’aille chercher ma voiture dans le garage et de la conduire en bas de l’entrée de l’hôtel. Pour votre transport d’ici à la voiture j’y ai pensé. Ne vous inquiétez pas, je vous expliquerai. Ne bougez pas. À peine prononcée il sent le ridicule de l’expression. Elle ne peut pas bouger ! Elle aussi elle sent le cocasse des mots. Son regard s’illumine, elle le regarde. Il sent toute la confiance qu’elle lui donne. Ils se sourient.