Ça y est, il ouvre la porte pour laisser sortir la buée. L’image de lui dans le miroir apparaît, il sourit. Le carrelage marron de la salle de bain est humide. Il a déjà mis sa ceinture en cuir pour sa hernie, il est habillé d’un polo de corps sans manches bleu et d’un pantalon bleu de travail, il est pied nu dans ses Charentaises. Je le regarde mettre de la Gomina sur ses cheveux qu’il lisse puis il s’asperge d’eau de toilette. Ses bras sont musclés, son torse épais, le tout est solide, il y a cette bosse dans le haut de son dos, elle est toujours là, pour lui elle est plus que ça, une fois il m’en a parlé, doucement, il était un peu gêné. Après il met ses brodequins, cirés, brillants de noir et on va au jardin. Il prend ses outils au cellier, toujours propres, nettoyés de la veille, il les pose dans sa brouette, on ouvre le portillon et il commence sa matinée au potager. Il sera courbé en deux de long moments, de temps en temps il prendra le mouchoir qu’il a dans sa poche de pantalon et il essuiera la transpiration qui perle de son front. Il est aussi attentif à son aspect au jardin qu’à la ville. Après le jardin, je le suis, il traverse la cuisine, le salon, là je l’attends, mais je connais ses habitudes, il va dans sa chambre, il ouvre l’armoire, il prend une chemise, un complet, et il se change, quelquefois il ajoute une cravate. Il se regarde dans la glace de l’armoire longuement avant de sortir de la pièce, il se regarde de face puis il examine chaque profil, il plie son pantalon de bleu sur le dossier d’une chaise. Il va dans la cuisine, je le suis, il prend son casque, le pot à lait, il va au garage, il ouvre la porte qui donne sur la rue, il sort sa mobylette grise, il la met sur sa béquille, il enfourche l’engin mécanique, il met son casque rouge, ses lunettes de soleil et il pédale énergiquement, il enlève la béquille et il part pour l’aventure. Derrière la porte en bois vert que je n’ai pas le droit de franchir, j’entends le héros partir.
Beaucoup aimé ! Merci, Laurent !
Merci Laurent pour le portrait de ce héros ordinaire et attachant.
Formidable !
Merci Helena, Merci Clarence, Merci Muriel.