De l’extérieur, est-ce que ça se voit ? État dit second, transe, disent les uns. Pour toi c’est tout le temps mais on ne sait pas. Ceux qui se demandent comment tu as fait pour passer par le deuil sans te jeter sous un train. C’est non, on n’a pas fini d’accourir là où dire vie, liberté, tant qu’on peut. Quelque chose te traverse, empruntant les canaux de tes veines, de tes artères, quelque chose prend part. Quelque chose qui te fait maigrir, marcher, danser, t’arrêter et repartir. Comme à zéro. Quelque chose comme le désir de retrouver ou d’échapper au pire. C’est là, dans les doigts qui saisissent chaque fois les mots en sautillant sur les touches carrées du clavier : ils sont jambes miniature qui ont appris à faire des pointes. Pas besoin de regarder où elles te portent. Elles savent où sont les lettres dont elles ont besoin pour faire apparaitre les phrases chorégraphiées. Les doigts à ce moment-là transportent tout du corps qui semble immobile mais c’est une apparence. Un peu comme si le casque de réalité virtuelle t’entrainait sur le champ là où tu ne te pensais pas pouvoir aller. Et puis tu quittes le campement, tout ce que les doigts laissaient échapper reflue et tu te lèves pour aller apparemment autre part. Ce soir on est venu te chercher et le corps suit le mouvement. Appel de la musique , nuit radieuse, surgissement des ombres, sons. Tu danses avec-pour ceux qui ne sont plus là pour voir. Tu danses contre la guerre absurde. Tu danses sur la terre qui te contient, sur la terre où sont les tiens, dessus et dessous. Tu danses. A l’intérieur, dans l’enceinte carrée d’un château Renaissance en Finistère Nord, les premiers signes se laissent déchiffrer. Soulèvement, jonction ; le courant passe, d’une main à l’autre dans de grandes vagues. Les pas se reconnaissent en se rassemblant et cette fois les pieds frappent en cadence le sol : touches invisibles, martellement, clavier plus grand, écriture sans mots dans laquelle chacun se retrouve, même rendez-vous chaque fois. Reconnaissable au-dedans. Le peintre disait : je regarde les silhouettes emportées dans l’élan, juste avant la danse du pinceau. Regarder c’est danser en amont. Sa phrase est restée, immobile et tendre comme lui. On sait bien qu’un jour le corps sera trahison. Sans crier gare il se fera prison. Alors, on ne sait pas comment mais on trouvera le moyen de s’évader. On l’utilisera. On se servira de sa disparition On fera de lui une grande scène ouverte au-delà du temps imparti, on l’entrainera dans le sillage de la nuit . On l’appellera bal de Kerjean, on ne pleurera plus jamais.
beaucoup aimé ceci : « Quelque chose te traverse, empruntant les canaux de tes veines, de tes artères, quelque chose prend part. »
et les doigts se mettent à danser
(même si je ne peux pas interpréter ce texte dans l’ensemble du travail sur le cycle…)
merci Christine…