Vingt-six juin 2015 – 26/06/2015
Cinq-mille-et-deux-cent-quarante-six-centimes – 5246 centimes soit cinquante-deux-euros-et-quarante-six-centimes – 52,46 € – + deux centimes soit cinq-mille-et-deux-cent-quarante-huit-centimes – 5248 centimes soit cinquante-deux-euros-et-quarante-huit-centimes – 52,48 € –
Lieu : Station Strasbourg–Saint–Denis . 2 centimes trouvés dans le couloirs de la 4.
Circonstances : Foulée du pied par un passant, ai failli être renversée. Jeune femme portable en main, écran plein les yeux, sons et écouteurs dans les oreilles – quelques bribes perçues. Esquive au dernier moment. Regards en fuite, en évitements, + un geste vague, exaspéré. Ne s’est pas retournée.
Des sommes, des additions, un mantra, des sommes, des additions – jamais de soustraction ; jamais une autre OP – en somme des sommes + 1 + 2 + 5 plus un plus deux plus cinq. Des pages tournées, des chiffres, des nombres gonflés, caressés, mâché et remâché, mêlés de mots, de chair et de vie.
Vingt-sept juin 2015 – 27/06/2015
Cinq-mille-et-deux-cent-quarante-huit-centimes – 5248 centimes soit cinquante-deux-euros-et-quarante-huit-centimes – 52,48 € – + 5 (2 + 2 +1) soit trois poussières rouges jetées à la volée du hasard. 5253 centimes soit 52,46 €.
Hypothèse 1 : porte-monnaie de sortie, rangement incertain, un coude heurté, une distraction du regard. S’en est-il/elle aperçu-e – Probabilité : 13,65 %
Hypothèse 2 : Petite monnaie, glissée à la va-vite, une flemme ?, une façon d’être au monde ?, dans la première poche atteinte. Le remuement d’un trousseau de clé, d’un porte-carte les aura poussée à la sortie – Probabilité : 7,49 %
Hypothèse 3 : mendiant en fuite, descente de flics sur le quai, remballement précipité, et voici des petits orphelins : 2 + 2 + 1 – des jumeaux et le Petit Poucet – Probabilité : à déterminer
Lieu : sur les voies, station Strasbourg–Saint–Denis, ligne 9 – direction Mairie de Montreuil. Silence, les grillons muets, un type sur la voie, les grillons sans voix, les grillons sentinelles laissent peaux mortes, inutiles , 3 poussières de mues, 3 morceaux de silence en abandon, 3 bouts de désir et d’attente vibratoire – Trois tss tsss trois tss tss, froissement des élytres, petits bonbons sortis de leur emballage rouge frémissant.
Revenue à la fin du service avec l’aimant. Elles étaient les petites égarées, pulsante et rougeoyante, clignant de la paupière à qui voulait les voir. Les ai – opération délicate – décollées de l’aimant, ne pas briser le magnétisme et le laisser diffuser sa douce chaleur dans ma poche.
10 cahiers de brouillons – formats 17 X 22 cm – 48 pages chacun – tous, en dossard les tables – addition – soustraction – multiplication – division – ai fini par les savoir toutes par cœur – par pas apprentissage, par infusion, par dilution à la couleur de mon envie – 464 pages noircies – huit ans de vie – presque huit ans – en vrai, sept ans et 331 jours soit 2886 jours depuis le jour n° 1, le 30–07–2007 – jour du retour du séjour de voile, jour 1 de la page 1, ligne 1 du cahier 1, les yeux encore fatigués de la lumière saline + la gorge encore irritée de l’air saturé d’embrun et de cris apeuré + ravis. Des chiffres, des nombres énumérés, égrenés, é–nu–mer–é, ce désir tout nu de la mer et ce miroitement – mer + vent + sable craquant sous les dents + embruns cinglants qui retombent et mouchètent la surface écumeuse. 5 et 2 et 4 et 8 courant et houle – 5253 – tout de MÊME dé–mater–dé–nombrer–dé–chiffrer–dé–sirer. Toute cette laisse de mer, cet air de litanie déroulé, la tête décollé de l’oreiller, les yeux ouverts à sonder l’obscurité – des chiffres, des mots, des lieux, de sous et de choses, des femmes et des hommes – perdus – en attente d’un désir, d’une paume chaude, irriguée, charnue. Des vies, cuivrées, magnétiques, à ramener des silences, à ramener au récit, au souffle humide de la parole, alchimie du chiffre et du nombre composé, proférés en sons, sourds, renfermés ou expulsés, une mesure du monde, à la mesure du nombre, à la mesure de soi.
J’adore votre texte et votre écriture. On finit par oublier comment écrire les chiffres en lettres à force de carte bleue. J’aime vos lieux et vos hypothèses et les images offertes de ces vies croisées dans le métro Strasbourg saint Denis que je prends tous les jours en ce moment. Merci Florent
Merci Clarence pour ce retour. J’ai moi aussi apprécié votre écriture sur le texte #7, ce corps si proche et parfois si difficile à saisir, ce que vous êtes si bien parvenue à faire. J’ai eu des difficultés à rédiger ce texte et à rendre ce corps visible.
Un texte ne fait pas le suivant, tant les propositions sont variées et je m’y engage toujours un peu incertain et surpris par ce qui en ressort.
J’ai vu votre site professionnel et constate que vous avez déjà une longue expérience dans L’art de collecter la parole et de rendre visibles les invisibles. Votre parcours m’intéresse moi qui suis encore au tout début d’un chemin dont je ne sais où il me mènera.