Diane se sent riche dans ce territoire, riche de coeur, de découvertes, à sa banque, dans son porte-monnaie, des euros inscrits en noir, des euros à plusieurs zéros, des euros en espèces, des euros en billets, des euros sans avoir à les compter. Elle veut un vêtement, entre dans un magasin, essaie tout ce qu’elle aime, robe 30 euros, chaussures 100 euros, pantalon 50 euros, pull 20 euros, elle achète, un café crème, 2 euros, paie en espèces, monnaie sonnante et trébuchante, sur le comptoir et y laisse un petit pourboire, 50 centimes, se rend à la laverie du coin de la rue, 5 euros la machine, la lessive, elle l’a acheté au supermarché, 5 euros, pour le séchage, c’est 2 euros, c’est souvent 2 euros et il faut compter plus car un séchage ne suffit jamais, alors, elle ajoute 2,4, 6 et parfois jusqu’à 8 euros, achète à manger, 20, 30 euros pour sa semaine à l’Intermarché du coin, elle est seule et mange à peine, regarde son compte en banque à la fin du mois et apprécie le montant restant 1500 euros. Elle ne se sent pas mieux que les autres mais plus à l’aise certainement. ça n’est pas tant que ce n’est pas cher par ici, c’est qu’elle travaille, est bien payée mais ne dépense pas, n’a pas le temps, ne connait personne pour sortir alors ne sort pas. Elle se rend au distributeur et y prend quelques billets, pour la semaine à venir et peut-être même deux, n’utilise jamais, au grand jamais, sa carte bleue. 30 +100+50 + 20 + 2 + 2 + 2 + 2 + 30 = 238 euros par semaine = 952 euros par mois. Est-elle coupable d’avoir ? Non, c’est tout, c’est comme ça et ça ne durera pas.
Diane se sent pauvre lorsqu’elle retourne chez elle, pas pauvre mais moins aisée, plus à dépenser, aire d’autoroute, café 3 euros à la machine, sandwich, chips, coca parfois, 12, 15 euros, péage 7 euros + 3 euros + 10 euros, essence, un plein aller 90 euros, 1 plein retour 90 euros, enfants, très chers les enfants, vêtements trop petits à racheter, 100, 200, 300 euros, chaussures, pantalons, tee-shirts, pulls, etc. factures, abonnement électricité 20 euros, téléphone fixe 40 euros, téléphone portable 45 euros, loyer, 1000 euros, études, livres de fac 150 euros, loyers 600 euros, sorties 100, 200 euros, abonnements Netflix, 10 euros par mois, abonnement gaz, 15 euros, la voiture à réparer, 800 euros, etc. 3 + 12 + 7 + 3 + 10 + 90 + 90 + 300 + 20 + 40 + 45 + 1000 + 150 + 600 + 200 + 10 + 15 + 800 = 3395 euros par mois. En est elle malheureuse pour autant ? Non, c’est tout, c’est comme ça et ça ne durera pas.
A noter : Les chiffres inscrits ci dessus sont bien entendu à titre indicatif, ne constituant en aucun cas une vérité absolue mais une simple estimation à la louche.
A noter : la narratrice a cru bon ajouter cette annotation à la fin d’un texte fictif, serait-elle mal à l’aise avec l’idée d’étaler l’argent sur un écran ?
A noter : la narratrice ressent le besoin de se justifier, serait-elle un cas d’école ?
bravo, vraiment ce que je subodorais qu’on pouvait conquérir… et ça passe à la voix aussi
Merci François, bon dimanche.
Merci pour les codicilles qui font partie intégrante du texte. La juxtaposition fonctionne, les textes sont courts, symétriques, et cette structure laisse un effet suspendu après la lecture, le lecteur doit en déduire ce qu’il veut, il n’y a pas besoin d’expliquer ou de commenter, quelque chose est dit, à chacun d’en tirer les conséquences. On pourrait même ajouter le troisième texte, quelque mois plus tard, inflation comprise, avec flambée du gaz, de l’électricité et des loyers, et le retrait progressif des autres dépenses pour tenir. L’alimentation est absente.
Merci Marion pour ta lecture et je crois bien t’avoir répondu sur le tien. ? Je vais aller m’en assurer, belle journée.
J’aime beaucoup, ça enrichit (oui) le texte et la lecture !