« Avant avant avant » , ils gueulent et d’autres hurlent « meilhor » ( Et ils portent leur main droite sur le coeur) Et ça dévale, ça s’épaule, ça s’encourage. « Tue tue tue ! » Le pennon bien en avant comme dans « feuilles d’herbe » de Whitman. son ode à Manhattan. Mon Dieu il n’y a que ça, que ça qui vaille de se sentir en guerre contre tout et n’importe quoi pourvu qu’on soit en guerre. Et c’est pour eux, pour vous une joie intense de tout lâcher de votre infecte tranquillité pour vous ruer ainsi baïonnette au fusil, bave au menton, pour en tuer d’autres dits ennemis, adversaires, eux aussi gueulant tayau dans le sens inverse à traverser des fleuves, des frontières, des pics et des monts pour assouvir leur artificielle colère. pour retrouver surtout oui je vais vous le dire cette sauvagerie d’orgie grégaire.
Et lui regarde ça passer avec son air ahuri. » Le bon gars qu’il pense être, singulier avec de neufs et vigoureux andouillers. Vous n’y êtes vraiment pas l’ami, la guerre est là, sautez, dansez, battez des mains, youpi qu’ils lui disent, du plus vieux au plus jeune, on dirait bien merveille qu’ils en raffolent. Tout ça d’un coup en passant dans sa rue alors qu’il les regarde d’un air ahuri comme un cerf qui pense que la meute n’est pas pour lui. A un moment c’est sûr, l’absence de hasard fera qu’il sera tenté de participer à la sanglante orgie, il en fait déjà des cauchemars, signes clairs nets distincts d’un désir. Et dans sa tête « tue tue tue » résonne comme une invitation à aller danser, à se mélanger, à planter les dents dans les chairs blondes des filles, à tuer le père la mère , le Saint -Esprit , à tout tuer et re tuer encore et encore jusqu’à ce qu’il ne reste rien que de la boue à re fabriquer du golem vert; toute une tranquillité à recréer. Autrement dit une nouvelle fable, un nouveau vernis un joli trompe-couillon qui trompera à nouveau des ahuris comme lui.
Voilà l’histoire la très triste histoire que se racontent les corbeaux qui tournent autour des ruines, tu crois tu crois que ces hommes là étaient des hommes mais ce n’étaient que des bêtes bien moins malignes que nous autres corbeaux.
Et tous les « never more » ni changent rien, on attend le délai légal de prescription et d’oubli et ça revient comme les comètes reviennent comme les saisons reviennent, comme les taxes la taille la gabelle reviennent et ça jusqu’à la Saint Glin-Glin, à Pâques et à la Trinité.
Une pauvre histoire de glandes vous dis-je. Et vous qui êtes si délicat, votre teint pâle, vos lèvres rouges vos mains si fines si douces comment puis-je même vous imaginer en train de sucer des croupions d’ortolan une serviette recouvrant pudiquement votre tête ? Hein comment le pourrais-je dites vous, vous dissimulez si bien votre ferocité derriere vos doux sourires . Non, ne dites rien encore ne brisez pas le charme: parlez nous d’amour, de ces frivolités dont vous seul avez le secret. Non ! faites nous donc encore jouir de doux plaisir encore et encore et encore dans ces si belles paroles qui donnent le tournis… non, pas vous, pas encore, pas maintenant… Faites ça avant qu’on s’élance dans la vraie vie enfin que l’on jouisse du viol du meurtre que l’on bouffe de la cervelle à pleine dent , vite on vous prie , avant de rencontrer le point de non retour, de tout l’infâme auquel lucidement parlant nous devons nous résoudre. Juste un petit moment de détente quoi, qu’on puisse avec un armistice à temps, reprendre notre souffle, notre joyeuse hypocrisie, avant de nous élancer vers notre propre néant .
Il avait écrit ça d’une traite sans respirer, il ne savait pas pourquoi, il suait des andouillers, ses narines étaient terriblement dilatées, et si un chien s’était pointé il aurait rêvé l’éventrer sans un mot, et toute la meute qui ne manquerait pas de le suivre et encore, les cavaliers avec leurs vestes rouges et leurs bottes noires, le cuir de leur harnachement, et bien sur leur chevaux, il se sentait devenir un fauve, son ancienne peau craquait de partout, des griffes des crocs lui poussaient, il resurgissait d’une très ancienne mythologie, une secousse tellurique l’avait vomi des entrailles de la terre. Il était tout entier recouvert de sueur de sang d’humeurs de toute la lymphe des rêves mort-nés Il remua la tête et il vit que deux arbres sur son front projetaient leurs ombres immense sur la plaine. Il avait le soleil dans le dos et désormais il fallait bien si résoudre sa naiveté aussi.