Elle le suit dans les escaliers. Ils ont salué, sont passés devant lui. Peut-être lui a-t-elle serré la main. Elle ne s’en souvient plus. C’est normal, parce qu’il reste en dehors, comme un personnage secondaire conscient que c’est à l’autre qu’échoit le premier rôle, c’est son métier après tout, normal qu’il le laisse faire, passer devant elle dans les escaliers, en lui vantant le produit, mais pas trop, il ne faut pas avoir l’air de la brusquer, plus tard il lui laissera entendre qu’il a déjà eu une visite et qu’il attend une offre, que la dame doit juste en parler à sa fille, obtenir le feu vert, vert le petit bureau, efficace ce choix de coloris différents pour chaque pièce de l’étage, c’est ce qu’elle avait pensé, aimé aussi la couleur du plancher du même ton que les portes, elle marche derrière l’agent immobilier, le suit les yeux au sol dans le gris taupe, dans le vert, dans le bleu cobalt, dans le rose, elle ne remarque pas le jour entre les lattes mal jointes, elle pourrait presque apercevoir par les fentes le propriétaire qui est resté en bas, c’est le bureau, il dit… il ne mentionnera pas la surface, mais en dessous de 9 mètres carrés on n’a pas le droit de parler de chambre.
C’est le bureau, il dit… Ne parlera pas de chambre pour cette pièce. Pas plus de sa superficie. Il connaît son métier, c’est pour cela qu’elle a fait appel à lui. La pièce fait moins de 9 mètres carrés. Elle est restée en bas, en retrait, le regarde précéder la cliente, les entend à travers les interstices des lattes du plancher. Ils ont gardé leurs chaussures pour monter à l’étage. Malgré monter toujours pieds nus, la peinture grise des marches de l’escalier est usée. Elle doit bien le reconnaître. Toute la maison venait d’être repeinte, lorsqu’elle avait acheté. Au-dessus de sa tête, elle entend le plancher qui souffre sous le poids de l’agent. C’est qu’il a pris du poids. Du coffre il dirait. Sa voiture de fonction aussi, à moins que ce ne soit la sienne. Il est responsable de l’agence maintenant. Sa voix de là haut à travers les interstices j’attends une offre d’une minute à l’autre, il ne faudra pas attendre vu la rareté du bien. Elle aussi veut vendre bien sûr, tout comme lui, mais pas à ceux-là qui l’ont à peine saluée et qu’elle entend parler de tout repeindre en blanc.
tu n’as de cesse d’explorer des lieux dans toutes les situations, lieu anciennement habité ou lieu à vendre… et tout cela, d’une traite, savamment… et elle, toujours en retrait, restée en bas, l’escalier à la peinture abîmée, on voit tout en ce bref texte avec « sa voix de là-haut qui traverse les interstices »…
merci Anne
le crève-coeur de la cession de bien (où/qu’)on a tant investi… réminiscences et souvenirs, merci Anne, je tiens une piste dans le désert qu’était pour moi cette #4…
Merci de ton passage, Gwenn. Pour prolonger le zoom : j’étais comme toi : longtemps je ne lisais que lorsque j’avais écrit. Puis peu à peu je me suis aussi permise de lire avant et parfois ça donne des idées. Maintenant je ne m’en prive plus.
Tu abordes ce sujet subrepticement je crois dans ton livre, mais je ne l’ai pas encore tout à fait fini. J’ai adoré suivre Maria et l’emmener à moto. 🙂
J’aime beaucoup !! ce pourrait être l’incipit d’un récit étrange et policier… ou bien le début d’une pièce qui porterait sur les trafics dans le secteur immobilier… quelque chose qui met en haleine… grand merci Anne pour la découverte !!
Je me suis régalée, peut-être vas-tu l’acheter ? ou vendre des maisons finalement…
. » Elle aussi veut vendre bien sûr, tout comme lui, mais pas à ceux-là qui l’ont à peine saluée et qu’elle entend parler de tout repeindre en blanc. »
en retrait oui… autre solution disparaître le temps de la visite puisqu’il connait son métier (saura reconnaître ce qu’il faut de petits défauts pour cacher les principaux éventuellement… si elle n’est pas là)