Ils étaient quatre. Quatre amis. Cet été-là ils étaient quatre amis. Quatre amis ensemble. A prendre leurs vacances ensemble. Il y avait deux hommes. Il y avait deux femmes. Ils étaient deux couples. Un homme une femme, un homme une femme. Ou alors le contraire. Une femme un homme une femme un homme. Ils étaient liés. Ils étaient très liés. Mais certains aussi n’étaient pas liés. Ou alors ils étaient liés mais c’était compliqué. Ou alors ils croyaient être liés mais ils ne l’étaient pas. Ou pas tant que ça. Et ils ne le savaient pas. Elle en tout cas ne le savait pas. Ou préférait ne pas le savoir. Mais en ferait la découverte. Plus tard. Ou alors tout de suite. Et la déception serait amère. Ils étaient quatre. Quatre. Mais parfois, ils avaient beau être quatre ils n’étaient que trois. Souvent ils étaient trois tout en étant quatre. Souvent. Souvent à quatre ils désiraient n’être que trois. Ou deux. Souvent à quatre ils étaient deux. C’était avant tout les deux hommes qui étaient deux. Qui avaient envie d’être deux. Qui ne rêvaient qu’à ça d’être deux. Ou alors c’était surtout un homme qui avait envie d’être deux. Le mari. Le mari et son ami. L’avoir juste pour lui. L’emmener lui tout seul et l’avoir pour lui tout seul. Et laisser les deux femmes. Avec les enfants. Les deux femmes, elles, voulaient être à quatre. Pas être à deux. Surtout pas être à deux. C’était surtout l’une d’elle qui ne désirait pas être à deux. Parce que dans les deux femmes, il y en avait une qui était seule. Qui était souvent seule. Même à deux. Même à trois. Et surtout aussi à quatre. Et cette femme-là, c’était celle qui savait que son mari partirait bientôt. Celle qui tremblait à l’idée que son mari parte bientôt. C’est elle qui était terrorisée à cette idée. C’est elle qui était seule. Désespérément seule. Seule quand elle était seule. Seule quand elle était à deux aussi. Seule avec son mari. Seule avec l’ami. Et plus seule encore avec la femme de l’ami. Ça peut être gênant. Les gens qui sont seuls. Qui se sentent seuls. Alors qu’ils voudraient être à deux, à trois, à quatre. Ca peut être gênant. Et ça peut coller aussi. Ca peut geindre. Ca peut tenter de s’accrocher. S’accrocher à tout prix. La femme, cet été-là, ne savait pas comment s’accrocher, comment faire pour s’accrocher. S’accrocher au mari. Les amis, eux étaient en couple. Bien en couple. Et bien à deux. L’ami aimait être à deux avec le mari. Et il aimait aussi être à deux avec sa femme. Puis il aimait être à trois avec l’ami et la femme. Mais pas être à quatre. Pas trop être à quatre. Surtout pas cet été-là. Parce qu’il y avait un autre couple aussi. Celui du mari et de sa maîtresse. Même si la maîtresse du mari n’était pas présente. En vacances. Elle était avec eux, en permanence. Dans la tête du mari. Dans la tête de sa femme. Et dans les discussions aussi. Du mari avec l’ami. Du mari avec l’amie. Du mari avec le couple d’amis. Alors au fond ils n’étaient pas quatre mais cinq. Oui ils étaient cinq cet été-là. Même si physiquement ils n’étaient que quatre. Et c’était peut-être pour cela que la femme était seule. Parce qu’au fond il n’y avait de la place que pour quatre. Et que la quatrième, c’était la maîtresse. Et pas elle. Il n’y avait pas de place pour elle cet été-là. Ils étaient déjà quatre. Et elle, elle était de trop. Mais comment passer des vacances quand on est la personne de trop. Comment faire quand on est en vacances avec son mari. Et avec des amis. Quand on est en vacances avec ceux qu’on croit être ses amis mais qui en fait sont les amis du mari. Et qu’on est de trop. Alors la femme, désespérément, demandait qu’on lui fasse une place. Même petite, même toute petite. Elle le demandait avec insistance à l’amie. La femme du meilleur ami du mari. Mais l’amie. Elle. Désirait surtout avoir la paix. La paix avec son mari. La paix avec le meilleur amie de son mari. La paix à trois avec le mari et l’ami. Et avoir la paix, c’était écouter le mari parler de sa jeune maîtresse. Et pas soutenir la femme délaissée. Ecouter la femme délaissée c’était prendre parti contre le mari. Et abîmer l’amitié. Depuis le début le couple d’amis avait soutenu le mari. Dans sa relation. Avec sa jeune étudiante. Depuis le début le couple les avait accueillis. A sa table. Avec la jeune étudiante. Avait pris le parti du mari. Etre pour c’est toujours être contre. Cet été-là. Tout le monde était pour le mari et contre la femme. La femme du mari. Tout le monde était pour la jeune étudiante. Qu’y a-t-il de plus terrible. Au coeur de l’été. D’être à quatre. En vacances. Avec des amis. Et de les regarder être à quatre sans vous.
Quelle force ! S’autoriser la répétition jusqu’à l’ivresse mais tricoter serré. Belle maîtrise : on entre dans l’histoire comme dans un tourbillon jusqu’à l’entaille finale.