ils sont quatre, ils prennent place à la table carrée près de la fenêtre. ils sont arrivés seuls, à quelques minutes d’intervalle, toujours dans le même ordre, toujours à la même heure. ils sont quatre. aucun d’eux n’a fixé le rendez-vous. ils sont les seuls à occuper cette table, il n’y a pas de consigne explicite, c’est comme ça, c’est leur table. il y a un tapis de feutre, un cendrier sur le bord le plus proche de la fenêtre. lorsqu’ils poussent la porte, ce sont des saluts muets de part et d’autre, parfois aucun regard échangé mais quatre bières qui apparaissent, chacune sur son carton. et le paquet de cartes posé au milieu du tapis avec le carnet et le bic publicitaire « café bergerie » inscrit en orange et noir. chacun a sa place. les paquets de cigarettes ou de tabac à rouler sont posés devant soi, on n’a presque pas dit un mot que les cartes sont sorties du paquet et battues. ils sont quatre, assis à la table près de la fenêtre. on se regarde à peine et parfois on ne dit pas un mot, ou juste les annonces. d’autres fois, c’est plus animé, on rit, on fait mine de se fâcher, on s’invective un peu, on se fait marcher à coup de ricanements. mais en général on ne dit rien. ils sont quatre. assis près de la fenêtre, dans le nuage âcre des mégots qui fument dans le cendrier. les verres sont toujours pleins, il suffit d’un coup d’oeil pour qu’une tournée apparaisse. ils sont quatre et forment un groupe compact, serrés autour de la petite table carrée, le chandail constellé des cendres blanches de leurs cigarettes. on joue une partie, la revanche et la belle s’il le faut. les perdants offrent un dernier verre, l’après-midi se disloque. ils sont quatre qui sortent du café « la bergerie » et se saluent d’un geste.
Ce texte paradoxal du silence qu’on entend… merci
merci pour votre lecture Raymonde. ça m’encourage vraiment à continuer.
C’est vrai, ce silence. Et le temps lent. Une scène sous une cloche de verre. Merci.
Oui, regards et gestes, simplement. Merci