Le soleil est flamboyant et se perd derrière la farandole des ormes.
Camille découvre habituellement les villes à la couleur feutrée de la nuit. Ce jour de printemps, elle arrivera avant que le ciel ne s’étoile, apercevra les terrasses qui ne se dévoilent qu’aux voyageurs, le linge chamarré séchant au vent.
Lorsque le contrôleur annonce l’arrivée en gare, elle a déjà descendu son sac à dos de l’étagère et en a sorti quelques photos et un morceau de papier où est inscrit : rue Marius Lacroix, quartier de Lafond, pension de famille Chez Marcel.
Le train est déjà reparti vers une autre gare lorsqu’elle atteint le parvis.
Elle marche dans les rues qui s’étirent, plaçant un pied devant l’autre, mécaniquement. Elle regarde à droite puis à gauche, observe le ciel bleu comme s’il pouvait lui indiquer la bonne direction. Les nuages y sont légers et côtoient l’océan. Elle avance à l’instinct depuis plus d’une heure, entraînée par le bruissement des feuilles et le souvenir de l’itinéraire qu’elle a tracé à la hâte sur un papier. Le large apporte sa fraîcheur à la faveur de la marée montante, soulevant sa chevelure claire. Sa peau frisonne du vent du large, elle la frictionne oubliant un instant le paysage alentour. Elle reconnait soudain le nom d’une rue, la Rue Tortueuse qui serpente, étroite et fraîche, jusqu’à l’église. Elle la contournera pour emprunter la rue en pente puis croisera un dôme en pierre masquant la devanture de la fleuriste. Il renferme le regard du Chat-qui-dort, là où le puisatier descendait inspecter les cours d’eau convergeant du nord de la ville pour alimenter les fontaines. Sans imaginer les eaux vives qui encore s’y écoulent elle accélère le pas jusqu’à croiser un portail où s’entrelacent le jasmin blanc et la vigne sauvage. Dans ce jardinet, les pieds de tomates, de courgettes et de framboisiers, les salades, les reine-marguerite et les roses trémières voisinent dans un verdoyant enchevêtrement. Elle prend plaisir un instant à démêler rêveusement ce fouillis champêtre, retrouvant souvenirs d’enfance et senteurs de voyages. Elle vérifie le numéro sur la plaque d’étain. Sa destination s’accote à ce paradis fleuri. Aucune enseigne pouvant laisser deviner l’existence d’un hôtel, aucune devanture de café. Seule une façade taguée, aux fenêtres condamnées par d’épaisses planches de bois. Sur la porte, aucun nom. Lentement, elle tourne la poignée. Retenue par des charnières rouillées la porte se déploie dans un long gémissement. Dernière, le silence et un paillasson blanc de poussière.
Nous partageons les mêmes souvenirs de jardin, de jasmin, de légumes colorés et de fouillis champêtre
Te lire avec bonheur…