J’avais commencé avant de savoir ce qui s’écrirait et ça faisait
Ce n’est qu’après le deuxième café que les choses commencent à se mettre en place.
Il manque un « vraiment » il me semble à présent que je relis; je regarde l’heure, six et demi – quatre et quart – quelque chose à voir avec l’Honoré (ce breuvage, oui) (il y a un livre, l’auteur en est Didier Blonde il me semble bien, qui recense et explicite les lieux de vie des diverses héroïnes et héros des fictions quelque chose parisiens les lieux sans doute, je ne l’ai pas (encore) lu) – la ville, grande « ah oui, Paris » vous dit-on ailleurs d’un air entendu – métropole – le monde entier, celui qu’on voit d’ici du moins, connaît de nom, quand même ce serait au Texas – après, plus ça va et plus ça schlingue en ville, on entre par une porte, fatalement – certains passages, cependant, n’ont pas cet honneur – on dit que ça forme une espèce de cercle, de six kilomètres de diamètre, non de rayon (deux pi R ou pi D, tu te rappelles), si je me souviens, deux rayons font un diamètre, encore que d’est en ouest ça me paraisse plus étendu que de sud en nord – il y a un bois à chaque extrémité et un fleuve traverse la chose dans laquelle on se trouve déjà, un (ou une ?) autoroute la ceint mais on n’y entre pas par chaque porte, huit voies il me semble quatre intérieures donc, suivies dans le sens des aiguilles d’une montre et autant d’extérieures – il y avait ce livre où dans une citron déesse se promenaient la nuit le type qui conduisait et la fille d’un de ses meilleurs amis – de Charenton en amont (et son asile) à Boulogne (et sa Billancourt) en son aval, en passant par la Concorde – deux rives mais aussi deux îles sont au fleuve, il y a plus de monde à droite, la surface y est plus étendue, un sale type y a fait tracer des boulevards en ligne droite pour mater les révolutions – des flots de sang y ont séché, des millions et des millions de personnes y ont perdu la vie et d’autres, sans doute plus, y sont nées, y ont vécu et en sont parties – sur cette place qui en marque, en quelque sorte le centre, l’un des centres disons, qui s’appelait Louis quinze (interprété par qui tu sais, dans ce film mis en scène par qui tu sais aussi, tous deux autant pathétiques) cette place qui devint de la Révolution (c’est pour ça, les boulevards droits) le bourreau la sciure le sang la tête du seizième de ces Louis-là qui roule dans une panière, puis celle de sa femme à la brioche quelques mois plus tard roulant elle aussi, puis de la Concorde donc – il en faut – sur cette place hôtels de luxissime, ambassades obélisque musées ministères propriétaires fortunés, au fond de la perspective une église en parthénon (bâtiment dorique, périptère, et octostyle) nommée Madeleine (comme le monsieur des Misérables mais c’est un pseudo), rien ne se perd rien ne se crée, dans ce sens-là, dans cette position et cette disposition, tournant donc résolument le dos au fleuve prendre sur la droite la voie est (pratiquement) rectiligne jusqu’à la Bastille, on a nommée cette rue du nom d’une bataille et d’un traité, on croisera l’une des voies nommée d’Alger – et dans cet immeuble où je ne sais plus qui écrivît je ne sais plus trop quoi, on entre par deux portes consécutives et en ayant, par deux fois, sonné pour obtenir l’accès, on entre dans un hall de marbre, d’ors et de miroirs, à gauche la cabine au comptoir d’acajou du concierge, au troisième étage, gauche sortant de l’ascenseur, suivre le couloir, au bout prendre à droite encore il y a là à droite une fenêtre qui donne sur une cour puis après cette porte (il me semble me souvenir d’un numéro, neuf peut-être, vissé sur le chambranle, vert comme la porte, mais je ne crois pas), à gauche (à main droite, le cagibi-cabinet de toilette) au fond une porte verte, sur la gauche une autre pas la première (qui donnerait dans la salle d’eau d’aujourd’hui) mais la suivante – au sol une moquette dans les bleus foncés, entre ce début de couloir et la première porte verte, sur la gauche, une fenêtre à triple vantail constitué chacun de deux ou trois parties inégales, verre flouté comme aux salles de bains, donne sur une cour qui (comme la précédente) ne constitue que le plafond d’une des dépendances du premier étage mais où jamais ne vient la lumière solaire – les murs je ne sais plus mais à hauteur de hanche,un décrochage de bois du même ton – on frappe, elle ouvre on entre, mais pour ouvrir il lui faut se poster dans la cuisine il y a longtemps elle vivait plutôt sur l’autre rive (elle a meilleure réputation, en quelque sorte) sur l’esplanade – puis sa mère est morte, ses enfants sont partis et ça a été un peu trop grand et trop cher, elle louait – l’appartement du premier étage appartenant à cette femme joyeuse et gaie qui vivait au second du pavillon, lequel fermait une cour, jouxtant un immeuble de très haut standing (comme on aime à dire) de neuf étages au haut duquel le penthouse (comme on dit) de deux cents et quelques mètres carrés (sans compter terrasses et balcons) donnait sur la Seine et le pont Alexandre (trois) dans lequel vivait ce grand de la haute-couture – peut-être, peut-être avait-elle sur les conseils de son frère acquis le deux-pièces du troisième dans lequel on entre, elle y fit elle-même quelques travaux, y installa la cuisine dans moins d’un mètre carré, une salle de bain (elle se fit aider quand même) dans les trois qui jouxtent l’autre pièce (la baignoire en était dite sabot, on l’a changée transformée en douche lorsque sa sœur est venue y mourir, comme elle, quelques années plus tard), les murs sont uniformément beige très clair une porte, crème, perpendiculaire aux deux fenêtres marque le passage d’une pièce à l’autre, et à chacune donc une fenêtre qui donne sur la même cour que tout à l’heure – jamais, jamais le soleil, non, mais de la lumière tout de même (elles donnent au nord), une chambre un salon, dans la première un grand lit, un secrétaire, un fauteuil à oreilles qu’elle a retapissé (elle prenait des cours avec la mairie) d’un tissu tilleul (ou bleu) – une petite bibliothèque tournante que j’aimais beaucoup – il y avait aussi oui une table (un bureau) puis une chaise, dans le salon (la première pièce), une table basse qui était dans le cadre quand elle et son mari immigrèrent à la mi-soixante, une banquette en forme de lit (ou l’inverse) couverte d’un tissu de laine beige foncé, deux fauteuils crapaud (tissu empire dans les rouges, les ors), sur le radiateur (le chauffage est central et vient aussi de la ville) se trouvait, sur une petite margelle de marbre ou alors sur la petite table basse, je ne sais plus, une soupière en argent sur un plat du même métal qu’ils avaient reçus en cadeau de mariage, il y avait un rituel du nettoyage de l’argenterie je me rappelle, le Miror qui sentait fort, oui, il y avait aussi ce porte-cigarette en argent où un mica, noir, dessinait un motif géométrique, il devait y avoir des choses au mur mais je ne crois pas, elle n’aimait pas ce genre de décoration, d’ornement, de mise en valeur ou fioriture mais je ne me souviens plus, ah si deux appliques imitant quelque plante ou feuille les lampes, trois ou quatre, en forme de bougie elle fermait la porte derrière vous, il y avait des tapis au sol ils venaient de Kairouan devaient avoir à peu près mon âge, elle s’installait dans un des fauteuils, prenait une cigarette et disait « alors, comment ça va coco ? »
ne voulais en lire aucun avant de m’y mettre mercredi (quoique je crois savoir que mettre, on verra) et puis en ouvrant pour saluer comme pouvais une écriture à côté de laquelle passe à tort j’ai vu et n’ai pu résister
et que dire ? emportée par le flot par ah Paris, par la baignoire sabot, par les fauteuils et par tout ce que ces détails organisent, dire simplement superbe
wow ! un long texte, dense, oblige à lire jusqu’au bout, à suivre ce mouvement qui commence par un léger coup de talon avec l’hésitation assumée du « vraiment », et qui nomme pousse à patienter durant les parenthèses ( couloirs, coursives, vestibules antichambres des parentheses) comme pour mieux s’y mettre ensuite, poursuivre, arriver au bout, au coco. Bing sur le tapis de Keirouan, Ko.
* me pousse à patienter
C’est fort, ce vraiment, d’entrée de jeu. Aspirée dans ce labyrinthe où on tente de reconnaître comme se raccrocher tout en suivant le courant car ça va ça avance et chemin faisant c’est comme si tout se mettait en place et tout ce qu’on possède à l’arrivée c’est époustouflant. Je repense à la proposition du départ et ce que tu as réussi à en faire !!! Beau et fou, merci Piero.
ah voilà que tu nous fais plonger avec toi dans le grand bain, bravo !
Brigitte, Patrick, Anne, Caro – merci à vous de vos lectures
(ça me fait penser à ces cartes mentales dites aussi cartes sensibles, j’adore, et comme on marche derrière toi, c’est fou) (et le son de la voix à la fin, il existe aussi)
c’est sympa de m’accompagner – merci à toi – je fais pareil avec le ferry (je l’ai déjà dit, maisla consigne, pour moi, ce sont les verres vides des bouteilles bues qu’on redonnait chez l’épicier pour qu’il nous file un peu de monnaie afin de lui acheter des sucreries) (il y a un truc avec le ferry – quand il est moins grand, on l’appelle le bac) (je suis content qu’on l’entende – sa voix un peu aggravée des clopos…) Merci à toi
J’avais une phrase que je n’ai pas encore écrite dans le prologue…
ça donnait qq ch comme ça: » un être que j’adorais détester et que je détestais adorer ».
C’est marrant, parce que quand je te lis, je t’imagine tout à l’opposé, du genre « que j’adore adorer et que je déteste détester »…
ah…les zimages.
Je le ferai un zour.
oui t’as raison – c’est un peu ça – je déteste qu’on me force – vive la liberté hein… Merci à toi
Quel voyage spirale vertige et tant de belles couleurs… Miror et la bibliothèque tournante. J’ai connu quelqu’un qui rêvait d’avoir une bibliothèque tournante, un demi tour et s’arrête, un bel objet qui a la fâcheuse tendance de se prendre le mur ( mais le texte lui il tourne bien). Espaces objets y’a du boulot pour la déco et les ensemblier(e)s. Et cette ouverture en chute. Elle. Sa voix. Un film? Qui pour Elle
bah je ne sais pas (j’adore (!) la Magnani mais enfin…) merci à toi
Patchwork d’espaces, d’objets, de sensations dans lequel se glisse un personnage, un autre, succinctement, dit sans dire, aiguise notre curiosité, qui sont-ils, où vont-ils ?.
merci à vous Annick