Croire qu’une idée, une image, un récit est là, m’installer, secouer mentalement mes épaules, poser un mot comme une fondation, presqu’avec distraction, pour marquer l’intention et puis suivre ce mur entre moi et le texte, chercher le moment, l’ouverture. Forcer plus ou moins l’ouverture et parfois trouver le plaisir d’un flot qui surgit, se déverse.. suivre en tentant de freiner un peu dans la crainte que ce qui est charrié allègrement ne soit pas de qualité vaguement satisfaisante, et avec l’espoir que ce soit bien mieux. Laisser reposer, relire, avec ou sans vigilance. Et mettre fin avec le plus souvent, ou presque toujours, la sensation de n’accepter ce qui est là que par lassitude, avec un petit goût acide de c’est bien pour moi. Publier, relire, et trouver cela meilleur qu’on ne le pensait… Quelques heures plus tard ou un autre jour relever fautes de frappe puis d’orthographe, ensuite buter sur des articulations de mauvaise allure ou sur leur absence, et trop souvent, y revenant, juger quand le temps de révision possible est passé que l’ensemble est passablement nul ou tarabiscoté ou… et s’étonner de l’indulgence de lecteurs. En fait je n’ai jamais retrouvé cette certitude, cette assurance, cette joie teintée d’orgueil | à rebours de ma gaucherie timide habituelle |, qui m’avait fait remettre, un jour où on ne m’en demandait pas tant, à la sortie de l’enfance, en huitième comme on disait alors, en réponse à la sollicitation de deux ou trois phrases correctement construites sur une expérience à notre échelle, un poème échevelé où une sorcière, vêtue d’étoffes claquant au vent, longeait en pleurant le quai d’un petit port sous la pluie qui ne voulait pas être tout à fait celui du Conquet. Souvenir qui s’est estompé mais m’a soutenue dans les « rédactions » demandées par la suite, avec un sentiment de remords en imaginant la sottise de la chose. Et puis à la mort de ma mère retrouver cette chose dans ses papiers avec attendrissement et constat que oui ce n’était que ça (sourire). Souvenir qui s’est imposé seul quand me suis demandé si j’avais rencontré un jour l’écriture, me bloquant avant d’oser écrire ceci.
» secouer mentalement mes épaules, poser un mot comme une fondation, presqu’avec distraction, pour marquer l’intention et puis suivre ce mur entre moi et le texte, chercher le moment, l’ouverture. »
» En fait je n’ai jamais retrouvé cette certitude, cette assurance, cette joie teintée d’orgueil | à rebours de ma gaucherie timide habituelle |, qui m’avait fait remettre, un jour où on ne m’en demandait pas tant, à la sortie de l’enfance, en huitième comme on disait alors, en réponse à la sollicitation de deux ou trois phrases correctement construites sur une expérience à notre échelle, un poème échevelé où une sorcière, vêtue d’étoffes claquant au vent, longeait en pleurant le quai d’un petit port sous la pluie qui ne voulait pas être tout à fait celui du Conquet. »
Oui, chère Brigitte, vous connaissez bien la Maison – écriture malgré vos dénégations ou vos demandes amusantes … et récurrentes… d’indulgence. Vous avez les outils pour vous contenter de cultiver le coin de cour et de ville d’Art comme un jardin Voltairien. Il y pousse de beaux textes et de belles images d’alentours. Vous êtes comme une gardienne de phare terrestre sans le savoir ou le vouloir. On a besoin de sémaphore de votre sorte. Et n’allez pas rougir… Ré-Apprenez que toute flatterie vit aux dépends de qui écoute… Vous vous êtes embarquée dans cet atelier estival, et comme moi ou d’autres, je vous souhaite de l’assumer sans prise de tête. On est pas là pour compter les mouettes. Vous êtes une sorcière bien sympathique, et ce souvenir qui vous ramène à la mère est très attendrissant. Nous sommes toutes des sorcières qui sont capables d’écrire à la manière des fées (fâchées ou pas) , des « nymphes de ruisseau des vénus de barrière pas la moindre noblesse » excusez-nous un peu. Mais osons le maximum ! Hissons les voiles au-dessus de nos « timidités » résiduelles…
pour avoir pareil commentaire ça vaut certes le coup 🙂
ces poèmes de l’enfance… quant à l’indulgence, il faudrait arrêter un jour d’être modeste !
trop gentille – mais pas arrêter d’être un tantinet exigeante ou rester dans. silence
Oh Brigitte vous êtes bien loin du hors sujet, plutôt nous guidant toutes et tous vers le meilleur de ce que nous pourrons écrire à notre tour et chacun.e à sa façon.
Comme le dit Marie-Therese, une lueur à guetter pour éviter les écueils et accoster au meilleur de nos écrits.
Merci
Très juste, ça me parle, rassure, permet une prise de distance dans le rapport que l’on a soi à l’écriture et à ce qui l’entoure. Merci.
merciiiii