Elle, elle n’écrit pas. Ce n’est pas qu’elle ne sache pas écrire, elle est institutrice. Enfin elle est professeur des écoles. Elle a eu son CAPES dans les années 90, elle faisait partie des meilleurs. Elle a un tout autre projet que l’écriture, c’est un projet de société, celui de faire des enfants. Celle qui écrit, c’est moi et je parle de ma cousine. Elle s’appelle Julie. Son projet de société, ce sont les enfants, ceux qu’elle a eus et ceux qu’elle éduque. Elle élève des phasmes dans sa salle de classe. Et moi, j’ai envie d’écrire là-dessus, sur des phasmes qui finissent dans une salle de classe. Moi, personnellement, je n’ai aucun projet de société. Mon seul projet, c’est d’écrire. Et je vais écrire sur ma cousine qui s’enferme dans une salle de classe pour élever des phasmes et des fourmis. C’est son truc à elle. Elle aime les choses de la nature et il faut dire que moi aussi mais moi, je ne capture ni n’emprisonne personne. Je vais essayer de capturer ma cousine mais je ne vais pas l’emprisonner. Je vais la laisser évoluer dans sa salle de classe, dans son petit théâtre. J’écris n’importe où désormais grâce à mon smartphone qui ne me quitte jamais. Jamais je ne pourrais la laisser vivre tout à fait. Je vais l’emmener avec moi car elle est en moi. Moi je suis Jeanne et j’écris comme il m’est permis de respirer. Un rien inspire mon écriture automatique. Et ce rien, ce sera Julie. Je ne tiens pas à parler de moi plus que cela. Je suis pudique et je préfère parler des autres. Les autres me touchent et aiguisent mon attention. Si j’écris, c’est pour faire plaisir à Elisabeth. C’est notre grand-mère. Elle aurait certainement voulu nous voir réunies dans un livre. Pour l’instant, c’est un roman mais qui sait ce qui se passera après ?
Les phasmes font beaucoup fantasmer, ni tout à fait branches, ni tout à fait insectes, ce sont de drôles de personnages dont on entend pas la voix. Les fourmis, c’est un peu pareil, mais on voit quand même qu’elles s’entendent entre elles pour faire le taf. Quant à Julie, elle finira bien par partir à la retraite et qui sait si elle n’aura pas quelque chose à écrire, sur les phasmes, le retour à la nature, les gosses, autre chose ? ses fantasmes peut-être ? Je fais le pari qu’elle va doubler Jeanne au tableau d’honneur et même sans palmes académiques, elle s’en sortira des pâquerettes dans les cheveux. Votre texte m’a amusée mais il pose la question de l’écriture pour l’autre. Ecrire pour que l’autre écrive ou est-ce tout autre chose ? La place de la cousinade et de la grand-mère sont à explorer. Rivalités ? Secrets de famille ? Autre chose?
Il y aura peut-être un peu de tout cela Marie-Therese. Cela s’ecrira au gré des propositions. Il n’y aura rien de préconçu en tout cas. Je n’ai encore rien défini