La maison est de taille moyenne, construite avec de grandes pierres grises en guise de peau. Sans voisins ni prétention, elle semble installée là plus par hasard que par nécessité.
De grandes fenêtres ouvrent sur une petite place où sont rangés des engins agricoles un peu rouillés et quelques ballots de paille. Le lieu ne paraît pas beaucoup utilisé et, de par ce fait, jouit d’une atmosphère toute particulière.
Sur le pignon droit de la maison, celui qui donne sur le jardin, est adossé un vieux moulin à eau qui ne conserve du moulin qu’un vague souvenir. Comme s’il cherchait à s’effacer pour mourir dignement.
Ici, l’air est immobile et – en dehors d’un petit ruisseaux qui coule des jours heureux – tout est très silencieux.
A l’intérieur de la bâtisse, le confort est sommaire et se résume à l’essentiel : une cuisine, un salon, un bureau, deux chambre et une salle de bain.
Paradoxalement et comme pour contrer cette simplicité apparente, il y a un nombre invraisemblable d’objets posés un peu partout, comme pour baliser toute circulation entre les pièces. Des vases en cristal coloré sur des meubles en bois, une collection de boules à neige, rares témoins de voyages passés, des plantes, des cartes postales d’expositions ou des miroirs présents dans chaque pièce. Il y a des petites figurines de Schtroumpfs sur la grande étagère, ils regardent une mappemonde et semblent rêver. Il y a des petits napperons crochetés et inutiles qui toisent les livres posés à même le sol. Tout un univers qui discute et vit sa vie.
Sur les murs du couloir se trouvent des tableaux d’une autre époque. L’humidité de la maison continue de les faire vivre car les couleurs changent, les contours se disloquent et les sujets se transforment avec le temps.
Chacun de ces objets évoquent en elle un mot qu’elle garde dans sa tête pour plus tard. En circulant dans sa maison, elle fait ainsi son marché et cette récolte journalière constitue la moisson essentielle à son écriture.
Cependant, jamais elle n’écrit en dehors de son bureau. C’est là qu’elle a établi son territoire. C’est là qu’elle s’encre de ses mots.
La pièce est carrée et dispose d’une fenêtre qui donne sur le jardin. Les châssis bleus confèrent à l’ensemble une sensation de paix et de calme. Une table en bois est installée face à la lumière et face au temps qu’il fait. Sur son bureau, il y a un carnet à spirale, un ordinateur et un stylo-plume qu’elle n’utilise pas mais qui évoque la plume de jadis. Un miroir ovale garnit le mur de droite, parfois elle s’y contemple, parfois elle s’indiffère et ne se voit plus. Juste à côté, une étagère avec des livres qui s’ennuient de n’être pas ouverts. Ils l’ont été autrefois, mais elle estime qu’ils ont déjà donné leurs histoires, leurs images et leurs émotions et qu’ils doivent maintenant se reposer.
Sa plus grande peur, c’est ce mot qui ne vient pas. Elle le cherche obstinément mais ne le trouve pas. Il sait se faire désirer, le bougre. Il attend simplement qu’elle ait vidé sa tête pour venir s’y poser. Il l’a rend nerveuse, impatiente, fébrile. Mais quand enfin il arrive, elle se ressaisit, se penche vers la table et l’emprisonne dans ses pages espérant qu’il y reste et qu’il s’accorde avec ses congénères. Alors elle respire.
Ce temps hors du temps l’apaise et la rend vivante. Rien de plus, rien de moins.