Il ne pouvait que l’imaginer. Et forcément elle aurait écrit. Elle ne pouvait qu’écrire, marcher, photographier et écrire. Sinon qu’aurait-elle fait d’autre, enfermée dans cette caravane aussi confortable qu’une épave, y vivant seule avec son chien. Pour le chien, il hésitait encore, depuis qu’il avait lu le blog de Fabienne Swiatly et pourquoi elle avait fait le choix de se passer de chien. Il pouvait aussi s’interroger sur ce besoin qu’il avait de l’imaginer écrivant, penchée sur la planche de bois où le vernis n’était plus qu’un lointain souvenir, où les auréoles laissées par des inconnus de passage, qu’elle n’avait pas connus, qui étaient repartis bien avant son installation, des auréoles qui lui seraient devenues familières, si présentes à elle désormais, la plus large où elle posait sa tasse de café soluble chaque matin en veillant à la placer bien centrée à l’intérieur du cercle plus clair, les plus petites dont certaines se chevauchaient qui seraient recouvertes par son cahier Chanteclerc quelques heures plus tard, une fois achevée sa balade sur le sable avec le chien, s’il décidait de lui donner un compagnon canin. En levant les yeux de sa feuille, elle verrait dans l’encadrement de la fenêtre et sans soulever les fesses enfoncées dans le méchant matelas que l’humidité et le poids des autres avaient aminci, un peu de mer par-dessus les herbes de la dune avec beaucoup de ciel. Qui a écrit qu’il ne faut pas de vue pour écrire, qu’il est préférable de placer son bureau face à un pan de mur aveugle pour éviter toute distraction ? Il n’était pas de cet avis. Il était certain qu’elle pouvait écrire face à la mer, une fois l’écriture en route, les yeux se perdent dans le vague de la fenêtre, quelle que soit la vue. Elle écrirait face à la fenêtre la plus large de la caravane, perdue et bercée par le balancement des longues herbes de la dune hypnotisées par le vent. A suivre sa trace, il en arrivait à lui donner présence illusoire, et parfois c’était comme la précéder. En se levant, son pied heurta la table et un peu de café se répandit sur la toile cirée. Le bois bien protégé ne risquait rien. Il le savait. Il revint tout de même avec l’éponge. Il n’aimait pas les auréoles.
« Elle écrirait face à la fenêtre la plus large de la caravane, perdue et bercée par le balancement des longues herbes de la dune hypnotisées par le vent »
pas facile quand même ce choix du passé… et déjà deux personnages, ce il ??
déjà tant d’ouvertures, tant de possibles…
à te suivre
Coucou Anne,
Texte très visuel. Je vois les herbes de la dune qui réclament de faire un effort pour voir la mer, le ciel qui prend beaucoup de place, les fesses enfoncées dans le matelas, l’état du matelas, les inconnus de passage qui laissent des traces aussi à l’intérieur de soi…
Et superbe ce qui se dessine autour des auréoles, j’aime beaucoup, aussi la manie de poser la tasse de café au centre de la plus large.
Merci.
A bientôt.
Coucou Anne On s’y sent bien dans ce texte,malgé les auréoles et la caravane épave et bien campé le duo d’écivains (sans compter celles que tu cites) me suis demandé si c’était sur Fabienne Swiatly qu’il écrit, et puis non, et puis pourquoi pas? A suivre…