Eté 2023.#01. Annie Dillard.
J’ai toujours écrit, mais parfois tourné en rond. Depuis six ans, ça commence à s’organiser. On était avec mon compagnon dans un tout petit studio, une cuisine et une chambre, ma table de travail était vraiment petite, un ordinateur et quelques feuillets, le reste par terre ou sur une chaise, lui plus près de la fenêtre lisait les journaux en ligne, écoutait des entretiens littéraires et philosophiques et parfois il venait derrière mois et me mettait des écouteurs sur les oreilles, tiens écoute-ça, j’ai découvert ainsi beaucoup d’écrivains, de philosophes, et je reprenais vite là où il m’avait interrompu. Ça a duré deux ans, et puis il est mort. Je suis rentrée chez moi, et j’écris dans une très grande cuisine, sur le coin d’une grande table en bois brut. Il me manque ce compagnon, grand désir qu’il soit là comme au moment où ensemble nous fermions l’ordinateur et discutions si tard dans la nuit. J’ai tout le temps de relire ma vie du temps où mon mari et mes enfants étaient là et j’y vois tout ce qu’on a traversé mais aussi toutes mes erreurs. J’admire ceux qui ont étudié longtemps et emmagasiné une énorme somme de connaissance réflexion rencontres aussi. Je voudrais écrire plus fluide, plus consistant. Me revient cette époque où j’étais furieuse après les moniales, une vie dure sévère, je sais que je suis de mauvaise foi, mais comment elles pouvaient s’abstraire du monde, il fallait bien quelqu’une pour faire pousser les légumes les éplucher, les faire cuire, et le linge et la poussière, pas normal qu’elles aient cette tranquillité là pendant que j’étais toujours occupée surchargée de travail interrompue sans avoir le temps de creuser une idée ou finir un bouquin. Maintenant j’ai plus de calme et de temps, mais je cadre mes journées, sinon ce serait facile mais débilitant de suivre le gré du vent.
ton « je sais que je suis de mauvaise foi »est juste magnifique (et d’ailleurs, tu dis « plus consistant » ,allez..) (magnifique comme tout le reste) (bonne suite)
Je pense à cette phrase de Charles Juliet, qui la tenait peut-être d’un.e autre que lui… car tout se dilue, on le sait, et souvent disparaît pour revenir sous d’autres formes, dans la transmission des idées phares…
« Je suis le prisonnier de la geôle dont je suis le gardien ».
Cette histoire de « foi » pas conforme me fait penser à cela. Et j’aime beaucoup cette rébellion qui demande pourtant encore des anneaux d’arrimage à l’immobilité de l’écriture personnelle.
Bonne écriture , Simone, ne tournez plus en rond, sortez donc de la carré des servitudes collectives. N’ayez pas peur du vent.
oh Simone oui, nécessité d’un ancrage face à cette liberté qui nous vient avec les ans… mais justement un moment d’écriture comme se peut est un ancrage et tant mieux si parfois c’est avec satisfaction mais ce n’est pas indispensable.