Un bibliothécaire m’a surpris par ce qu’il y avait d’évidence dans son exclamation, après que j’ai eu dit des contes à une ribambelle d’enfants lors d’une nuit de la lecture au sein d’une librairie jeunesse. L’étonnement m’avait fait marmonné une réponse plutôt pudique sur mon enfance, car non ce n’est pas à l’oral que nous nous passions les histoires chez moi, les piles de livres et les bibliothèques sont encore à ce jour le puits où je cherche des réponses concernant mes relations aux autres et avant tout aux miens.
C’était un dimanche de l’année de mes huit ans, ma grand-mère plutôt sur la réserve m’apportait chaque semaine un livre de la collection enfance France Loisirs. Celui qui m’est venu en tête pour la proposition est de couverture noire glacée et par chance il se cache dans ma bibliothèque depuis quelques mois, après que je l’ai eu arraché à celle de mon enfance, non sans une hésitation, comme une sorte de sacrilège.
Je ne me souviens plus la trame de ce roman et c’est un sentiment étrange qui m’enveloppe quand je pense à lui, comme si la petite fille de 8 ans que j’étais à l’époque était entrée en résonnance profonde avec le fil narratif. C’est une histoire simple et joyeuse, aux thèmes universels, d’amitié et d’amour naissant, de fusion et de jalousie dans laquelle j’ai puisé des ressources dont j’ignorais la force. Retrouvé à l’âge adulte, je découvre dans la préface de l’auteur quelques phrases surlignées de rose, sûrement lors d’une relecture adolescente, et l’étonnement me prend cette fois-ci au présent, car leurs teneurs parlent à la jeune femme que je suis devenue et aux épreuves qu’elle traverse. L’auteur a voulu un conte universel qui vienne mettre du baume au cœur des âmes simples et qui soit à contre-courant des temps troublés que ses contemporains traversaient.
Enfin, c’est sûrement le souvenir du dénouement heureux et du trésor caché découvert à la mort de la grand-mère qui m’a fait choisir ce roman plutôt qu’un autre. Si enfant cela m’a touché, adulte je l’ai su en vérité. Nous grandissons de mains parfois abimées d’avoir pétri leurs vies et repassé leurs malheurs. Un temps est venu où nous les avons trouvé rêches, nous leur en gardons rancune. Pour finir, nous découvrons que ces mains ont fait naitre et grossir des espaces de silence et de courage où il fait bon grandir. Malgré tout elles ont persévéré. Comme cette mélodie champêtre qui colore mon âme à tout jamais.
de « mains parfois abimées d’avoir pétri leurs vies et repassé leurs malheurs » à l’âge de la reconnaissance pour ce qu’elles nous ont permis de vivre une fois adulte, oui, c’est le sens que je trouve aussi dans les lectures et les souvenirs de l’enfance.
Marie, le texte fait un saut temporel qui fonctionne fort de la phrase entendue aux remémorations des piles de livres, et des piles de livres à la main qui offre un livre, le livre… qui s’avère être un viatique de vie, on vous envie par ici, cette expérience si intense et cette nourriture partagée que vous avez reçue, ces fondements d’enfance en soutien.